es
Les vieille?
Les Vieilles
Chansons Populaires
du Berry
PAR
HUGUES LAPAIRE
Étude sur les vieilles chansons populaires du Berry, suivie de VINGT CHANSONS
choisies parmi les plus anciennes et harmonisées par MM. Francisque Darcieux,
André Coedès-Mongin, Léon Branchet, M"" Aimée de Mourgues.
Prix net : 2.50
Paris
ALBERT BESNARD, Éditeur
26, rue Antoinette
Hugues ElJïPaiSMEl
*******
1res Vieilles Chansons
Populaires du ÏBerrij
Accompagnement de Piano par
Francisque Darcieux André Cœdès-Mongin
Léon Branchet M Aimée de Wourgues
M.I'.KKI BESNARD I diteur, 2b. Rm
I
M
11
DEC
10 3 3 9::;
TÂBL1
AVANT-PROFOS.
Première Partie
Pat»
I. Le Briolage i
II. Les « Ronds » et les « Dardelantes » 4
III. Les Chansons de Bergères 7
IV. Les Chansons de Conscrits 12
V. Les Chansons de Noces 14
VI. Les Chansons de Métiers 18
VII. Les Chansons de Fêtes 20
Deuxième Partie
La Bergère aux Champs 22
2. Faut-il et' si près d'un Rosier 24
3. Le Vendeur 25
4. La Fille d'un Prince 27
Voilà six mois que c'était le Printemps 29
6. La Belle Angélique 31
7. La Promise 33
Le Retour du Conscrit 35
Ohé! Oho! 37
Le Gars brûlant 39
La Chanson du Grenadier 41
Marche des (lais de La Châtre 43
Le Jeune Volontaire 45
14. La Demande eu Mariage 47
15. Les Pleumes de Haut' 49
16. La Savante qui veut se tune aussi belle que sa Dame 51
17. Le Cornemuseux d'Marmignol 53
18. La Irène Garellt 55
19. Vive le Vin! 57
20. Noël! 59
Ouvrages du même Auteur:
&8
Poésies
Au Pays du Berry (A. LEMERRE) , ,
Sainte-Soulange (CRÉPIN-LEBLOND. à Moulins) 2. »
Au Vent de Galerne (CRÉPIN-LEBLOND, à Moulin») 350
Les Rimouères d'un Paysan (SANSOT) 3 ,
L'Annette. — Noëls berriauds. — Les Chansons berriaudes
( Volumes épuisés J.
Romans et Nouvelles
Le Courandier (BOIV1N & C") , <0
Le Fardeau (CALMANN-LÉVY) 3.50
L'Épervier — Prix Jean Revel 35o
Les Accapareurs (CALMANN-LÉVY) Prix Balzac 3.50
Les Demi-Paons (E. FIGUIÈRE) 3 50
Jean-Teigneux (E. FASQUELLE) 3 J0
Ames Berrichonnes (BLOUD & C") x ^
Au Berry des Treilles (BERRICHON DE PARIS) 1.50
Divers
La Bonne Dame de Nohant, collaboration F. Roz (SOC. D'ÉDITIONS) 3
Le Patois Berrichon (CRÉPIN-LEBLOND) 2
Vielles et Cornemuses — — 3
Les Mémoires d'un Bouvreuil (BOIV1N & C") 9
Le Célèbre Galafat — — 3
Le Pays Berrichon (BLOUD & C1') — Prix Montyon 1
La Mé Fanchoune (BERRICHON DE PARIS) 0
La Demande, collaboraiion G. Nigond (BERRICHON DE PARIS) 1
%
Avant -Propos
<■■■■ •£'•
'est à l'invention naturelle et spontanée de poètes anonymes, que nous devons
ces chants rustiques, imprégnés d'une délicieuse saveur locale et d'une naïveté
qui demeure inimitable.
Notre rôle s'est borné à recueillir quelques-unes de ces vieilles chansons, pour
les préserver de l'hérésie que commettent certains notateurs en les arrangeant
et en substituant de mauvais vers aux humbles paroles qui accompagnent ces
chants et qui en font tout le charme (I).
Ces Pastorales qui n'ont rien d'un genre que l'on est convenu d'appeler ainsi en Littéra-
ture, sont souvent très frustes et d'un relief parfois brutal. Il leur manque évidemment l'esprit
de mesure et la grâce dont les eut accompagnées un hellène qui comme Théocrite aurait eu
besoin de chercher hors des voies de l'Art pur, une source où rajeunir son talent et renouveler
son imagination épuisée. Telles elles ont jailli de l'inspiration du peuple, telles nous les donnons.
C'est un bouquet de fleurs des champs épanouies en terroir bernaud. Je les y ai cueillies ; je
vous les offre avant qu'elles ne soient foulées aux pieds ou dispersées au vent de l'oubli.
HUGUES LAPAI RE.
(i) George Sand et Chopin ont note- ;mssi des vieux airs de la Vallée Noire : * Ces chants ne
sont pas perdus, m'écrivait en 1807 M"" Lina Sand ; mais ils n'ont pas d'accompagnement ». Ils
sont aujourd'hui la propriété de M"" Aurore Lauth-Sand Laisnel de la Salle en a recueilli tout un
chapelet; Ribault de Laugardière s'est spécialisé dans les Nolls et Pierre de la Loje dans 1< s
malicieuses chansons d'Issoudun, Jean Baftier et France Briffaull connaissent e( chantent de
vieilles ballades berrichonnes qui sont autant de petits chefs-d'œuvre. Tous ont respecté la musi-
que et les paroles ; ils savaient qu'en y changeant l.i inoindre chose, ils enlevaient toute saveui
a la chanson populaire. Je dois beaucoup a l'obligeance de MM. Jean Baftier le maître-SCulpteur
de la Croix-Renaud, Brothier de Rollière, Ch. Denis de la Châtre, l'abbé Farge d'Alouis, Henri
Lamarre, L. Montu, Potron, Mu* Ponty de Mchun-sur-Ycvrc et le père Bordier de Neuve I -Bai
rois. Je leur adresse ici tous mes remerciements pour la noble cause qu'ils ont bien Voulu m aider
a servir. Je me garderai d'oublier dans ce concert de louanges (puisque nous parlons musique!)
deux jeunes maîtres qui ont mis a ma disposition leur beau talent musical avec autant de sponta-
néité que de désintéressement : MM. André Cosdès-Mongin et Francisque Darcicux. U
doublement ingrat et injuste si je passais sous silence la précieuse collaboration du merveilleux
viellistc Léon Branchet et de M"* de Mourgues. une artiste sincère, qui m excusera si je manque
a la parole que m arracha sa modestie, de ne point la citer 1
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/lesvieilleschansOOIapa
le, briolage
'Origine du chant populaire est in-
contestablement « comme toute
musique du reste, écrit le maitre
Vincent d'Indy, d'essence reli-
gieuse quant aux chants vraiment
anciens. Car si le peuple n'est
point créateur, il est au contraire un merveilleux
assimilateur. Les admirables monodies qu'on est
convenu de désigner sous le nom générique de
chant grégorien ou plain-chant, le peuple de
France les connaissait par cœur, et c'était son
aliment musical. Mais ces mélodies qu'il enten-
dait à l'église, le peuple en arriva inconsciem-
ment à les faire siennes, et modifiant les con-
tours, les lignes, les rythmes surtout, en fit tout
d'abord l'accompagnement chanté de ses danses,
véritable art de geste, puis peu à peu la mani-
festation extérieure de ses plaisirs, de ses joies,
de ses tristesses (i) ». Voilà pourquoi George
Sand qui notait avec Chopin d'anciens airs ber-
richons leur trouvait « la solennité des chants
d'église ».
Le chant le plus ancien, qui fut longtemps
considéré comme sacré chez nous et auquel on
attribuait de mystérieuses influences, le chant le
plus caractéristique du Berry, et en même temps
celui qui semble répondre le mieux a la défini-
tion que Vincent à Iiuiy nous a donné du chant
populaire, c'est assurément le briolage, «
de plain-chant entrecoupé de cadences prolon-
gées qui tantôt s'interrompent brusquement et
tantôt se terminent en sautant à l'octave par
une note perçante et joyeuse (2) ».
George Sand le décrit ainsi : « Ce chant n'est
à vrai dire qu'une sorte de récitatif interrompu
et repris à volonté. Sa forme irrégulière et ses
intonations fausses selon les règles de l'art musi-
cal le rendent intraduisible. Mais ce n'en est pas
moins un beau chant, et tellement approprié à
la nature du travail qu'il accompagne, à l'allure
du bœuf, au calme des lieux agrestes, à la sim-
plicité des hommes qui le disent, qu'aucun génie
(1) Cf. ViMF.Ni d'Indy: Le chant populaire (Renais
sance provinciale) juin 1908.
(2) Cf. Laisnkl de la Salle: Souvenirs du vieux temps
(Maisonneuve, éditeur).
étranger au travail de la terre ne l'eût inventé
et qu'aucun chanteur autre qu'un fin laboureur
de cette contrée ne saurait le redire (1 ) ».
Cela est si vrai que M. Julien Tiersot, dont
la compétence ne saurait être mise en doute et
auquel le folklore français doit déjà tant pour
la sauvegarde de nos chants populaires, M. Ju-
lien Tiersot essaya de noter le briolage, crut
l'avoir noté, alors qu'il n'avait recueilli qu'un
chant barbare ne ressemblant en rien à la mélo-
die tantôt grave et sentimentale, tantôt vibrante
et triomphale du laboureur berrichon !
D'ailleurs, ces recherches faites à travers les
provinces pour sauvegarder nos vieilles chan-
sons n'ont malheureusement donné, le plus
souvent, que de médiocres résultats, pour la
simple raison que ceux qui les faisaient n'étaient
pas des gens du pays. Evidemment, c'est une
louable entreprise que d'essayer de tirer de
l'oubli nos belles chansons françaises, mais
encore faut-il que ceux qui s'en occupent soient
bien qualifiés pour cela, car les difficultés sont
innombrables. Combien de collectionneurs se
contentent de l'a peu près, de versions incom-
plètes, le plus souvent fausses, erronées ou
étrangères à la région dont ils s'occupent !
Nous allons en donner une preuve flagrante.
Vers 1860, George Sand écrivait : « Le ministre
de l'Instruction publique va faire publier le
recueil des chants populaires de la France. I
une très bonne idée dont la réalisation devenait
nécessaire ; mais cela arrive bien tard, nous le
craignons. Pour que la recherche fut tant soit
peu complète, il faudrait envoyer dans chaque
province une personne compétente, exclusive-
ment chargée de ce soin. Les lettrés ou amateurs
que l'on va consulter apporteront les récoltes du
hasard.
« Qui donc aura le temps et la patience de
reconstruire, parmi cent versions altérées d'une
chose intéressante, le type primitif ? S'il s'agit
de recueillir le plu- ci'- poésies inédites qu'il scia
possible et selon nous, toute l'importance, toute
(1) Cf. George Sakd: La Mare .;.•< tiaile, pag< 20
l'utilité de cette publication est là, le travail
demanderait plusieurs années ou un grand
nombre d'explorateurs. Les commentateurs ne
manqueront pas ; mais les véritables découver-
tes seront fort rares ou fort incomplètes, si l'on
ne procède consciencieusement et par des
recherches toutes spéciales (i) ».
On se mit donc en campagne... par ordre de
l'Empereur. Ce fut un désastre ! M. Henry Gay
a dénoncé le résultat lamentable de cette tour-
née d'explorateurs de la chanson française
présidée par M. Ampère: « Recueillies le plus
souvent par des fonctionnaires, étrangers à la
région où ils exerçaient, bien peu des chansons
parvenues à la Commission sont dignes d'atten-
tion. La plupart ont été arrangées pour les
besoins de la cause. Des prêtres ont envoyé des
cantiques ; des inspecteurs d'académie ont re-
cueilli des rapsodies sans intérêt, laissant les
vraies chansons populaires, parce qu'ils ne les
comprenaient pas ! On le saisira mieux quand
nous aurons dit que parmi les innombrables
chansons envoyées à la Commission et qui for-
ment deux volumes de manuscrits à la Biblio-
thèque nationale, figure sous le titre: Les Grands
Bœufs blancs, la chanson de Pierre Dupont :
Les Bœufs, restée si célèbre et contemporaine
du correspondant de la Commission. Pareille
méprise est faite pour la chanson Eho ! Eho !
du poète Fertiault ! Beaucoup s'y sont laissés
prendre, Champfleury entre autres, qui la donne
comme chanson populaire de Bourgogne, et
elle figure dans les manuscrits de la Biblio-
thèque. A part quelques jolies trouvailles, le
reste est à l'avenant. On y attribue à notre
département (l'Indre) des chansons patoises en
limousin ! D'ailleurs, à part quelques provinces,
où l'on fit un réel effort, la plupart des corres-
pondants prirent peu la chose au sérieux. Ce
fut pour eux une corvée, que celui du Ben}',
entre autres, traduisit à la fin de ses manuscrits,
griffonnés à la hâte et presque illisibles, par le
mot : « Ame ii ! (2) »
Mais revenons au briolage. Il y a quelques
années, j'assistais à une brillante réunion dans
(1) Cf. Geokgk Sand : Promenades autour d'un
(2) Cf. Revue du Berry et du Centre (avril igoS): Las
chansons populaires en Berry, par Henrj Gay
Cetti 1 uns. M. l'abbé
Jouve, dans une conférence faite au profit dV l'Alliance
Française, à Châteauroux, donna comme » ballade berri-
chonne » une version <1<- la chanson bourguignonne de
Fertiault :
1.,-^ agneaux vont aux pltrines
l'.t les lou/>a sont aux 60s..., etc.
l'atelier de Frédéric Lauth, l'excellent peintre
de portraits qui épousa Aurore, l'aînée des
petites-filles de George Sand. Là, j'eus le plaisir
d'entendre M. ïiersot dévider au piano un
chapelet de chansons et d'anciennes ballades.
Me sachant un passionné de ces choses et
surtout un fervent de la « petite patrie >, il
joua un air assez original mais qui ne produisit
sans doute pas sur moi l'effet qu'il en attendait,
car il me demanda aussitôt :
— Vous ne connaissez pas cela ?
Je fouillai dans ma mémoire, dans mon cœur,
mais rien ne me rappelait ce chant bizarre ; pas
une fibre n'avait remué dans mon être comme à
l'évocation d'un souvenir de jeunesse, de cho-
ses familières au milieu desquelles on a vécu et
que l'on a beaucoup aimées.
Alors il ajouta à ma grande stupéfaction :
— C'est le briolage !
Le briolage ? Cela ? Il prétendait rendre sur
le piano la mélopée de nos laboureurs, aussi
difficile à saisir que les modulations sorties du
gosier d'un rossignol ! Cela pouvait passer sans
doute parmi les habitués d'un salon parisien,
mais pour moi qui avais été bercé par ce chant,
qui l'avais entendu si souvent avec émotion et
piété lorsqu'il montait avec le tireli de l'alouette
joyeuse dans la lumière des matins de prin-
temps, moi qui en connaissais par conséquent
l'ampleur, la beauté, la solennité, la diversité,
l'insaisissabable... Non ! M. Tiersot, cette fois,
s'était trompé !
Le briolage ne peut se traduire. Ses trilles,
ses vibrations qui semblent glisser sur le corps
des bœufs, qui les font frémir et s'allonger dans
les sillons comme au passage d'une caresse ;
cette voix qui les excite au travail, les apaise
et les charme, ce chant unique, échappe à la
science du notateur.
Le briolage égayé l'heure monotone des
vieilles qui filent sur le seuil bleu des chau-
mières et se répercute jusqu'au lointain des
brandes où les bergères trompent l'ennui des
solitudes en mêlant leurs voix aux échos mou-
rants de cette cantilène qui est l'hymne de la
terre, la prière des champs, l'âme du pays, le
Berry tout entier !...
« On assure, dit Laisnel de la Salle, que le
grand Renard de Fontenay, mort il y a plus
d'un demi-siècle, lorsqu'il labourait dans le
chaumoi de Montlevic et que le temps était
saige, on l'acoutail brioler du biau mitan de la
grand' place de La Chaire, c'est-à-dire à une
distance de plus d'une lieue. Il n'avait pas son
pareil lorsque, menant le grand labourage, il
interpellait en chantant et d'une seule halenée
chacun des dix bœufs qui composaient son
puissant attelage :
Ça, Gava, Sarzé, Guivé,
Fauviau, Charbouniau, Varmé,
Cerison, Morin,
Rossigneu, Châtain !
Eh ! Eh ! Eh ! mes maignons !
Eh ! mes valets, allons !
Le refrain de la chanson du Pauvre Labou-
reur se rapproche assez comme v< langage >\ si
je puis dire, du briolage qui ne se compose en
réalité que de paroles confuses inventées la
plupart du temps par le laboureur lorsqu'il parle
à ses bœufs :
Allons, allons, allons, Ch !...
Allons mes petits compagnons,
Copé, Sarrazin
Et l'boyer ça fait cinq ...in
Allons, allons, allons, ch !...
Allons, allons, allons, ch L.lon !
Allons! (i)
(i) Dans les Chants populaires lie la Bretagne de M. de-
là Villemarqué, il existe une version de cette chanson
que nous donnons plus loin en entier. Celle que M. de
la Villemarqué a recueillie est en dialecte de Léon et
porte ce titre : Al labourerien. Elle est plus ancienne que
la nôtre, niais le barde berrichon ne s'est inspiré en tout
cas que du 2m' et du 3°" verset. Le reste de la chanson
est complètement différent.
Ainsi que toutes les antiques et saines cou-
tumes, le briolage se perd. On se le transmet
encore dans quelques familles patriarcales, mal-
les jeunes générations le délaissent pour le
stupide refrain de café-concert ; on ne l'entend
presque plus dans les champs.
Cependant, pour la Saint -Biaise, fête des
agriculteurs de la Vallée Xoire, il semble renaître
de ses cendres ! Ce jour-là, les trois statues de
saint Biaise, de saint Antoine et de saint Vin-
cent, patrons des laboureurs, des éleveurs et
des vignerons, sont portées processionnellement
dans nos campagnes. Des paysans les précèdent
avec le bâton enrubanné de leurs corporations,
le drapeau des conscrits et les bannières parois-
siales. Une foule considérable de laboureurs et
de vignerons les escortent, marchant recueillis
comme les paysans d'Athènes aux fêtes de
l'Attique.
Le soir, le briolage prend son essor sous les
solives enfumées des auberges et ses mâles
accents vibrent encore assez tard dans la nuit,
berçant la petite ville de La Châtre, fidèle
gardienne des dernières traditions, endormie
sous le clair de lune qui découpe sur le champ
des étoiles, les pignons pointus de ses vieilles
maisons de bois.
II
Les "Ronds" et les " Dardelantes "
adis, entre l'Epiphanie et le
mardi gras, on dansait et on
chantait des « ronds » en Berry.
Voici le tableau que nous en
a laissé M. Rollinat (i) : « On
1 se donnait la main ; les cava-
liers, autant que possible, alter-
naient avec les jeunes filles, les mères de famille
et parfois les grand'mères qui n étaient pas les
moins ardentes. Un chanteur lançait les cou-
plets répétés en chœur par les gens de la ronde...
et celle-ci tournait, s'élargissait, se rétrécissait ;
en cadence, les pieds frappaient le sol, les bras
se balançaient et la voix ùu chanteur montait
dans la nuit... (?) »
Des rivalités s'élevaient parfois dans le même
village entre les « ronds » d'une place et ceux
d'un carrefour voisin. C'était auquel éclipserait
l'autre par la beauté de ses chants, l'enragerie
de ses « sabotées ». De semblables rivalités exis-
taient à l'époque chez ces fameux maîtres-son-
neurs dont George Sand nous a décrit les mœurs
en des pages inoubliables. Ils étaient si jaloux de
leur « jeu » que l'orgueil du vainqueur et le dé-
pit du vaincu dans les tournois de village
engendraient parfois des haines et des luttes
entre partisans de tel ou tel « maître en sonne-
rie ». Mais aujourd'hui on ne se passionne plus
pour ces choses qui, cependant, donnaient du
relief à une province, dissipaient l'ennui et rete-
naient la jeunesse à des passe-temps plus salu-
taires et plus divertissants que le cabaret ou les
parlotes politiques... Hélas ! le temps impitoyable
effrite les monuments qui semblaient devoir être
les plus durables et, en passant, efface les chan-
sons qui ne sont écrites que sur le sable. Chan-
teurs et rondes s'en vont rejoindre les vieilles
lunes, comme bientôt — si nous n'y veillons —
(i) M. Raymond Rollinat d'Argenton, est le cousin du
poèt< s 'lis Névroses Maurice Rollinat. C'est un savant c|ni
s'occupe surtout d'ornithologie et de on ck-s
sauriens et des mammifères chiroptères que l'on rencon-
tre dans le centre de la France.
(2) Cf. Préface au recueil de .1 BaRBOTIN â' •
Berry cl Chanso ' ■
cette « gaieté française » qui fît le tour du monde
avec nos autres gloires.
Cependant, nous constatons avec joie une
réaction très sensible contre ce malaise que nous
valurent une centralisation outrancière et l'in-
trusion lente, mais habile et tenace, parmi nous,
d'éléments étrangers à notre race. Nous assistons
depuis plusieurs années à une véritable renais-
sance des provinces. Le génie propre de chaque
région se réveille, et nous voyons archéologues,
géologues, romanciers, poètes, bardes, surgir de
tous côtés pour défendre et célébrer les charmes
et la beauté du sol natal. C'est pourquoi nos
airs populaires ont trouvé tant de « collection-
neurs ».
Il est parfois téméraire, disions-nous dans le
chapitre précédent de s'attaquer à certains de ces
chefs-d'œuvre enfantés par le peuple. Nous pen-
sons, en effet, qu'il serait préférable de n'en
donner que ce qui a pu être conservé dans la
mémoire des hommes. Trop souvent certains
amateurs les déforment, les augmentent ou les
démarquent, s imaginant que leurs élucubrations
plairont mieux que le thème initial qu'ils trai-
tent dédaigneusement de « vieille rengaine ».
Qu'un chef de musique civil ou militaire, de
Carpentras, de Carcassonne ou d'ailleurs, se trou-
ve jeté par les caprices de la vie tic garnison ou
les hasards de la vie ordinaire dans une de nos
sous-préfectures du Centre, il se mettra aussitôt
en quête des airs anciens qui rôdent dans la
campagne et les faubourgs de la ville ; puis, un
dimanche, sous les tilleuls du mail, les bons
bourgeois seront abreuvés d'une musique bar-
bare, sorte de « pot-pourri » dans lequel ils
reconnaîtront, déformés, dépaysés, au milieu des
fioritures du trombone à coulisse, du piston et
de la clarinette, les vieux airs qui ont bercé
leur en tance !...
Qu'un instituteur, également d'importation
méridionale ou... septentrionale, débarque dans
un village du Berry par exemple, et que, piqué
par la tarentule de l'écrivain, il entende en se
promenant une pastoure chanter dans son naïf
langage la chanson du Printemps ou des rrois
fendeux , aussitôt il adaptera à ces airs rusti-
ques ses rimailleries de primaire qui n'auront
même pas pour excuse... la couleur locale !
Outre ces déformations que l'inconscience et
le pédantisme infligent parfois à nos chansons
populaires, il y a aussi celles que leur font subir
les illettrés. A force d'être transmises de mé-
moire en mémoire, de voler de bouche en bouche,
de passer du village au bourg et du bourg au
hameau, certaines chansons se sont corrompues
au point qu'elles ne ressemblent plus à rien. Elles
sont ou dénuées de sens ou arrangées selon les
goûts du moment et les idées de la localité qui
les possède ; ou bien encore, on les retrouve
allongées démesurément, chacun ayant voulu
ajouter son petit couplet. « Il semble, disait
Gabriel Vicaire, que l'on ait affaire à une ma-
tière malléable, presque fluide, capable de s'al-
longer et de se restreindre à volonté ».
Comme on le voit, le travail du commentateur
se trouve singulièrement compliqué par toutes
ces difficultés qui hérissent le chemin de ses
recherches. Il lui faudra donc beaucoup de tact,
une connaissance profonde du pays où il fera sa
cueillette et un sens artistique suffisamment dé-
veloppé ; sans quoi, il risquera de faire à chaque
instant — c'est le cas de le dire — des « manques
de touche ».
Les vieilles ruines ne gagnent pas toujours à
être restaurées, car cette restauration manque
souvent d'exactitude malgré les documents dont
s'entourent les architectes compétents. Ceci re-
vient à dire que les ruines ont leur charme,
telles que le temps nous les a laissées et qu'il
n'y faut toucher qu'avec les plus grands ména-
gements.
M. Barbotin, qui a recueilli les « ronds argen-
tonnais », l'a si bien compris qu'il s'excuse très
franchement d'avoir suppléé par son imagina-
tion aux lacunes du texte populaire (i i.
Le type de ces « ronds » est donné très exac-
tement dans la première pièce: Oh! là haut sur
ces côtes.
Le chanteur dominant la ronde, commençait
ainsi :
Oh ! là haut sur ces cotes,
La Bell' s'endoi mit.
Le chœur reprenait en tournant :
Oh ! là-haut sur ces côtes,
La Bell' s'endormit.
Le chanteur continuait :
Par le chemin il j
•i son ami.
Les gens qui sont jeunes,
Pourquoi dorment-i ?
Puis le chœur :
Les gens qui sont jeunes,
Pourquoi dorment-i.
Et la chanson déroulait ainsi ses trente ou
quarante couplets, le chanteur alternant avec le
chœur composé de toute la ronde qui reprenait,
en tournant, les dernières paroles en guise de
refrain (i).
Dans d'autres parties du Berry, à Bourges, à
Déols, on dansait les « ronds » surtout pendant
loi Rogations ou fête des Brandons. A la tombée
de la nuit, sur les places publiques, des sortes
de courses aux flambeaux s'organisaient, rap-
pelant les Lupercales romaines. On enduisait de
résine des tiges d'aubulons blancs ou brandons;
on les allumait, et les porteurs de torches for-
maient une immense chaîne qui se déroulait
dans les rues de la ville, gagnait les champs,
escaladait les collines, courait vallons et plaines,
à travers vignobles et vergers, procession endia-
blée de feux follets portant la flamme purifica-
trice au sein des récoltes.
Le chœur chantait :
Brandounons la nielle
El la nielle et l'échardon.
Brandounons fumelles,
Brandounons la nielle.
Tandis que le chanteur improvisait son cou-
plet :
La bounn' mè su les tisons
A li icassé les beugnons
Que les beugnons sont si bons... etc.
Puis on jetait en un monceau tous les bran-
dons enflammés et, autour de ces feux de joie
que la Bretagne appelle des « feux de Saint-
Jean », la ronde reprenait, plus échevelée :
Saillez delà (sortez de la), ^aillez mulots
Ou j'allons vous brûler les crocs... etc.
Pour le mardi gras, « dernière manifestation,
dit M. Henry Gay, de la Mastruca celtique, alté-
rée dans les bacchanales antiques et, plus tard,
par la fête des fous qui se célébra jusqu'au règne
de Philippe-Auguste pour ne disparaître totale-
ment qu'au seizième siècle », on dansait des
« ronds masqués » en chantant :
Mardi l il .1-,
T'en va pas
J'frons des ■
JTrons des crêpes.
(i) Cf. J. Barbotin, R.m./a du Berrj et chansons de btr-
(i) mmenl de cette ancienne coutume
. enue l'expression « mener la ronde >, comme on
disait aussi « mener le branle >.
6 —
Mardi-Gras
T'en va pas
J'f rons des crêpes
Et t'en auras... etc.
Les tragédies d'Eschyle furent, on le sait, ins-
pirées par les chœurs des Bacchantes et les
danses populaires aux fêtes de Dionysos ; nos
« ronds » berriauds ne seraient-ils pas le proto-
type du dithyrambe d'où sortit le théâtre an-
tique ?
* *
C'est incontestablement du briolage dont les
vibrations agrémentent la voix pleine et sonore
du laboureur que naquirent les « dardelantes » ( i ).
Toutefois, il ne faut pas confondre ces trémolos
avec une sorte de tyrolienne que les bergers se
permettent quelquefois au refrain de certaines
chansons en se mettant le pouce sur la pomme
d'Adam (le luteriau). Le pouce, en comprimant
le larynx, fait trembler la voix qui porte alors
très loin (2).
Quand j'étais chez mon père,
Mon père, lurelo !
Il m'envoyait à l'herbe
Pour garder ses troupeaux.
J'aime la bruyère sur la montagne
Tagne, tagne, tagne,
Tagne, tagne, tagne
Tra la la la la la la
La youp, la youp, tra la la la la... etc..
La plupart des « dardelantes » sont des chan-
sons de conscrits.
L'une des meilleures que nous connaissions
commence ainsi :
C'était trois jeun's garçons
S'en allant à la guerre,
S'en allant à la guerre,
Tous trois ben chagrinés
Ue laisser ieux maîtresses
Qu'ai' tint en train d'crier.
Le plus jeune des trois
Y r'grettait ben la sienne,
(1) Ce mot expressif vient du patois dardeler, qui signi-
fie trembler et de dard, langue. Nos paysans connaissent
deux sortes de chansons : les dardelantes et les poiluses.
Ce dernier mot indique suffisamment leur caractère plus
que rustique !
(2) Cf. Henry Gay : Les Chansons populaires en Berry.
(Rez'iie du Berry, mai 1908).
Y r'grettait ben la sienne,
Il avait ben raison.
C'était la plus genl fille
Qu'était dans le canton..., etc.
C'est cette chanson qu'André Theuriet a
mise sur les lèvres de la jeune pastoure qui des-
cendait du coteau d'Etableaux (ij. Le bon maî-
tre prétendait qu'elle était lyonnaise. Alors,
pourquoi la faire chanter sur un mode touran-
geau ? En tout cas, on la connaît en Berry depuis
près d'un siècle !...
Pour donner plus d'ampleur à mon sujet,
j'aurais dû mettre en regard des strophes citées
la phrase musicale qui s'y rapporte, car, en
l'espèce, c'est plutôt l'air qui fait la chanson.
Est-ce à dire que la musique saurait se passer
des paroles ?
Non. Malgré les entorses données aux règles
de prosodie et d'harmonie, l'on ne saurait isoler
les paroles de la musique et vice-versa. Cela
forme une œuvre adéquate, originale, géniale
parfois, où la simplicité de l'air s'accorde avec la
naïveté de la chanson.
Quel effet nous produisent ces mots :
Adieu donc, ma Manon )
Ah ! Je m'en va-t'en guerre, !
bii
En ceux pavs ben loin, pour y servir le roi,
Ah ! ma Manon qu'j'ai du regret.
Je pourrais aller jusqu'au bout de ce récitatif
sans éveiller en vous la moindre émotion, tant
ces paroles manquent de rime... sinon de rai-
son !... Mais qu'un Berrichon vous chante, en
dardelant comme il convient :
Adieu donc, ma Manon...
Quelle surprise ! quel charme ! quelle douceur
se dégageront aussitôt de la vieille ballade !
(1) Cf. André Theuriet : L'Abbé Daniel.
Voici cette version :
Ce ■•ont trois jeun's garçons
Oui s'en vont à la guerre
A leur L-orps défendant
Regrettant leur maltresse
Que leur cœur aime tant.
Le plus jeune des trois
Regrette bien la sienne
Ah ! qu'il a bien raison
C'est la pins belle fille
Qu'il v ait dedans Lyon !
III.
Les Chansons de Bergères
'Humanité a chanté ses premières
émotions et ses premiers rêves
sans se douter de la beauté secrète
contenue dans les plus humbles
de ses paroles. Beaucoup de nos
vieilles chansons, dues au génie
populaire, concentrent dans leur sobriété ce que
l'art grec conserve de puissance expressive. Et
pourtant, nos bergers ne sont pas des pâtres
d'Eglogues comme ceux que Théocrite enten-
dait chanter aux portes de Syracuse. Ce ne sont
pas non plus des faiseurs d'idylles d'après les
théories de Boileau et de certains délicats, cri-
tiques de cabinets, philosophes de salons qui ne
goûtent la campagne qu'à travers la Pléiade et
VAstrée, les bergeries sentimentales du XVIIIe siè-
cle ou les scènes pastorales de Gessner et Florian ;
qui veulent en un mot des bergers ayant fait
leur toilette, s'exprimant élégamment, que l'on
puisse suivre aux champs sans crainte de se
trouver en basse compagnie ! Les chants de ces
bergers qui ne sont pas des bergers, ne peuvent
émaner « qu'un parfum écœurant de fausse rus-
ticité (0 ».
Nos bardes rustiques sont pauvres, mal vêtus
et n'ont aucun lien de parenté avec les Daphnis
et les Corydon. Ils parlent comme on parle au
village ; ils s'appellent Jeanniot, Colin, au lieu
de Lycidas; Margot, Isabelle, au lieu de Philis.
Ils vivent à l'ombre des bois, dans le soleil, sous
les averses, en plein champ, les pieds dans le
terreau... Ah ! ce ne sont pas les pastoureaux
pomponnés de Boucher ou de Fragonard ! Leur
langage n'a rien de' convenu, d'apprêté, de
savant dans la symétrie ; on n'y trouve aucune
formule. Ils ignorent les règles de la prosodie ;
leurs vers sont boiteux ; la rime est pauvre,
souvent remplacée par une simple assonnance,
et des liaisons singulières viennent parfois adou-
cir i'hiatus... ; mais toutes ces imperfections
s'arrangent fort bien avec le rythme, la cadence
qui leur est venue naturellement, en même temps
que le chant.
Ces élégies plaintives, ces idylles d'une sim-
plicité évangélique ont la grâce, la naïveté des
alternances et des variations de la musique
primitive :
Faut- il et' si prés d'un rosier
Sans y pouvoir cueillir la rose.
Cueillez, cueillez, cher émant, cueillez,
Car c'est pour vous qu'la rose éclose...
Faut-il et' si prés d'un ruisseau,
Endurer la soif que j'endure !
Beuvez, beuvez, cher èmant, beuvez,
Car c'est pour vous que l'ruisseau coule... (t)
Ils chantent, ils improvisent sans effort ; il
semble que leur rôle soit de chanter comme
c'est celui de la source, de couler !
Ceux qui composaient jadis de si jolies chan-
sons n'avaient pas cette « demi-vérité » que
Sainte-Beuve attribue si finement aux bergers
de Théocrite. Ils étaient « nature » ! Leur réa-
lisme épanoui dans le charme des solitudes, se
traduisait selon leurs impressions de gaieté ou
de mélancolie, mais avec une vérité entière qui
n'a pas pour l'adoucir, les enchantements de la
poésie :
J'entends, j'entends la bergère qui chante
A la voix du galant Renaud.
Je me suis approché d'elle,
Comme un amant fid( le,
J'ai voulu l'cmbrassci ,
Elle m'a bien refusé.
— J'ai six cents francs dans ma valise,
Belle, si tu veux, ils seront pour toi.
— Si vous n'avez que six cents francs
Gardez-les donc pour vivre,
Je connais ii vos yeux
Que vous êtes un amoureux.
— Voyez, voyez, ma joli
Vos moutons qui s'en vont au blé,
— Allez dont les virer,
aoutons a ma :
1 ... sque vous i e> iendi ez
Vous serez mon bien-aimé.
La bergère était fille fine,
Du cheval s'en est approché,
A mis le pied sin l'en iei
El la main à la bride,
A joui de l'éperon
Comme un vaillant dragon.
(0 Paul Albert : Li Prose, étude sur les chefs-d'<cn\ rc
des prosateurs.
( i ) Voir aux chanson
— Arrête, arrête, ma jolie bergère,
Cet honneur-là ne vous appartient pas !
Vous emmenez mon cheval,
Mon manteau, ma valise,
Mon or et mon argent
Qui est enfermé dedans. (i)
Chez eux, le génie ne prolonge pas, n'achève
pas la nature. Ils n'altèrent rien. Ils sont comme
un écho fidèle des sensations qu'ils éprouvent
devant la nature.
J'ai quitté mon village
Avec mes deux sabiots
Et je m'seus mi< en gage
Pour garder les bestiaux.
La zigue,
La zigue,
La youf !
De la piau de ma bête,
Ça s'ra pour ma grand'-mère ;
Ça s'ra pour ma grand'-mère,
Pour y faire un mantiau.
La zigue, etc.
De la queue de ma bique
J'en frai n'un chalumiau
Pour fé danser ceux filles
A ceux printemps nouviaux.
La zigue, etc.
Des quat' patt's de ma bête,
Je m'en frai n'un chapiau
Que j'mettrai su ma tête
Pour fé peur aux moiniaux.
La zigue, etc.
Comme on le voit, ils n'ont pas subi d'in-
fluences littéraires, ceux-là ! Leur école fut aux
champs et la plupart ne savaient ni lire ni
écrire. Ils ont composé leurs bucoliques en
traçant les sillons ou en gardant les troupeaux.
Et d'âge en âge, de chaumière en chaumière, les
paysans se les sont transmises. Virgile oubliait
les lassitudes et les orages de la vie civilisée en
écrivant ses Géorgiques ; eux, composaient des
chansons pour égayer leurs solitudes ou pour se
consoler d'un mal secret, sachant que le meilleur
remède à l'amour, c'est de chanter son mal :
Cantet amat quod quisque levant et carmina curas.
Nos bergers n'ont pas pour s'inspirer les dé-
cors merveilleux de la Sicile ou les fraîches
.vallées de la Thessalie ; le cadre que leur offre
la province berriaude est plus restreint: Ici, c'est
la plaine dénudée, la brande sauvage, un canal
avec ses lignes droites et ses courbes où se
(i) Le Berger Renaud est une des plus belles chansons
berrichonnes que je connaisse. Je l'ai entendue chanter
une seule fois, le jour du Centenaire de George Sand.
M. m cl Prévost >t André Theuriet qui se trouvaient là
furent enthousiasmés. Malheureusement je n'ai pu noter
l'air pour le donner dans ce recueil,
succèdent les petits bateaux lents des mariniers;
là, c'est un étang, un marécage avec ses joncs
et sa pestilence ; plus loin, une vieille tour féo-
dale se détachant sur la ligne bleue d'une forêt
de chênes. Cela suffit à leur esprit contemplatif.
Du reste, leur imagination ne va pas chercher
plus loin que les limites du clocher ; leur regard
n'aspire pas à s'étendre par-delà l'horizon cou-
tumier. A leurs pieds, la « traine » étale son
tapis de verdure ; derrière eux, dans la « bou-
chure » fleurie, l'ormeau dresse sa grosse tête
hirsute et le « croisier » offre ses petites pom-
mes d'amour. En face, la colline enfle son dos
hérissé de vignes d'or... Les yeux emplis de ce
paysage familier, le cœur baigné dans cette
atmosphère sereine, nos aèdes champêtres écou-
tent leurs souvenirs et se laissent aller à leur
inspiration. Un chant s'élève alors dans le silence
des campagnes, harmonieux comme le murmure
du vent dans les feuilles, comme le chant du
rossignol lui-même :
I.
Je me suis endormi,
Leri,
A l'ombre sous un pin,
Lerin.
Au bois rossignolet,
Au bois rossignolet.
II.
Si j'ai pris mon coutiau,
Lero,
La branche j'ai coupé
Au bois rossignolet, etc.
III.
C'est pour en faire un fla
Lera,
Geollet
Léré,
Gentil
Leri.
Au bois etc.
IV.
Je m'en vais en Butant
Leran,
Le long de mon chemin
Lerin,
Au bois etc.
V.
Ah ! devine, fit-il,
Leri,
Ce que dit mon Hutiau,
Lero,
Au bois etc.
VI.
Il dit qu'il faut aimer
Léré,
La fille à ton voisin,
Lerin,
Au bois etc.
vu.
Et qu'il faut l'aller voir
Leroir,
Le soir et le matin
Lerin,
Au bois etc. (i)
Autrefois, quand la nuit descendait sur les
campagnes, la nuit déjà frileuse d'automne, tous
les gens des chaumières éparses au milieu des
terres se rendaient, munis d'une lanterne et d'un
bâton, chez le plus ancien du voisinage où l'on
faisait « charibaude » : c'est ainsi qu'on dési-
gnait la veillée en plein air autour des grands
feux. Les « drolières » filaient leurs quenouilles
et les laboureurs tressaient des corbeilles ou
« chapusaient * des manches « d'éplettes », tan-
dis que les vieillards, qui aimaient finement
parler, contaient des histoires que tous écoutaient
religieusement pour les redire plus tard aux
autres générations. Cette veillée familiale avait
lieu dans un carrefour, au milieu d'un vieux
chemin empierré, ancienne voie romaine, à l'orée
d'un bois. Les jolies légendes, les douces chan-
sons qu'ils apprenaient là, ces jeunes gars dont
les cheveux blonds et les robustes épaules rap-
pelaient la force et la beauté des races celti-
tiques !
C'était la Cil' d'un prince,
Tra la la la la la la
la la la 1ère
Tra la la la la la la !
C'était la fill' d'un prince
Grand matin s'est levée (bis). (2)
C'est en tricotant ou en ravaudant des « chaus-
ses », tout en surveillant son troupeau, que
l'Annette, la Marie-Jeanne ou la Claudie chan-
tent ce qu'elles ont entendu à la charibaude.
Comment voulez-vous,
Comment voulez-vous
Que l'on file !
On ne peut pas toujours filer !
(1) Cette exquise chanson est relatée dans la Revue du
Btrry et du Centre. Je l'entendis chanter un jour par un
commensal de Xohant, du vivant de M'"" Lina Sand
Edmond Plauchut, qui se trouvait là. m'affirma qu'elle
était bien du Bas-Berry.
(2) Voii plus loin aux chansons.
Je ne donnerai pas cette « chanson de matelot ».
La /'sue d'un Prince, cette vieille ballade qui semble
remonter au temps des cours d'amour comme étant d'ori-
gine purement berrichonne, bien qu'elle se chanti
nous depuis de nombreuses années. M Maurice Duhamel
a donné dans les 9* et lo" fascicules des C/i.in
France, éditées chea Rouan, seize versions de « l'Embar-
quement de la bile aux chansons >. Plusieurs vers sont
communs avec la version que nous présentons, mais l'air
est très différent. Notre thème se rapprochi
celui des Alpes, du Vivarais et du Nivernais.
Et la pensée de la bergère s'envole tout droit
vers son berger :
N'y a rien d'aussi charmant
Que la bergère aux champs... etc. (1)
Parfois, les bergers se répondent comme les
coqs, de hallier en hallier, mais le plus souvent,
rêveurs et solitaires, ils chantent pour eux seuls,
tout entiers à leurs sentiments intérieurs ou à la
félicité des champs :
Et voici le printemps, que la saison est belle... etc. (2)
t 1 Voir aux chansons. Je connais trois versions ber-
richonnes de cette chanson : l'une de M. Augras, de
Châteauroux : l'autre d'un anonyme et la troisième de
M. Huret, de Bourges, qui l'a arrangée pour la musique
des sapeurs-pompiers !
Cette chanson, que nous retrouvons dans la Mare au
Diable de G. Sand et les Noces de campagne en Berry par
Ribault de Laugardière, fut publiée chez Pion et Nourrit,
sous la direction de Catulle Mendès, dans un recueil
intitulé : Les plus jolies chansons de France. Elle fut classée
comme chanson angevine (?). La recherche de la pater-
nité des anciennes chansons nous semble une chose fort
épineuse Plusieurs ont une origine commune. Chaque
province a -es colporteurs, ses commis-voyageurs de la
chanson. Chacun garde celles qui lui plaisent et les
adapte a son génie propre, à son patois, à son tempéra-
ment. Nous sommes d'ailleurs assez riches en vieilles
chansons berriaudes sans nous débattre pour quelques-
unes qui auront fait envie à d'autres provinces !
Les commentateurs sont nombreux comme nous
l'avons déjà dit au omi s de cette étude, mais nous crai-
gnons qu'ils manquent de patience pour reconstruire et
démêler parmi cinquante versions plus ou moins altérée-,
en passant d'un village à un autre, quels sont et le texte
primitif et la provenance exacte, — car ce que l'on nous
donne pour du «berrichon* vient souvent de Touraine,
de Bourgogne ou de Bretagne !... « J'ai retrouvé, dit
(i Sand, dans la mémoire des chanteurs rustiques, plu-
sieurs romances et ballades exactement traduites en vers
naïfs et bien berrichons, des texte- bretons publies pal
M. de la Ville-marqué ».
Revendiquerons non- la propriété de ces créations et
dirons-nous quelles ont été traduites du berrichon dans
1.1 langue bretonne- Non ! Elles portent clairement leur
brevet d'origine en tète. En revenant de Nantes... et ail-
Ma famille d
En s,, mine, il ne tant pas se plaindre de cette rivalité
de- provinces sur la priorité des vieil! ; Cela
prouve combien elles son! précieuses, «C'est a Lyon que
la chanson est née», dit M Georges DrOIH dan- la
• . .-. 1 u\ - , 1 ditem Lyon . - < 'esl < n lirc-
. .lu M eh 1.1 Villemarqué ; < C'est en B
gne ! > s'écrie Pertiault. Auquel entendre ! Moi je dis :
chansons le- plus Iran-
rge de toute invasion! »
is-nous donc d'accord, et disons que la chanson
e-t tille de France !
1 2 ) Cette chanson qui a pour refrain :
Le bon vin m'endort, mais Vamout me réveille.
nous a parue un peu leste pour que nous la donnions
dans ce recueil maigre son incontestable beauté, Cante-
loube de Malarel en a donne une version auvergnate
dans la revue «les * Chansons de France > sous ce titre :
.- fa> /'.m-. On la trouve également consignée
Il semble bien que l'amour soit le principal
sentiment dont l'âme du berger soit agitée.
Quelquefois, cependant, il nous donne le résultat
de ses contemplations devant les beautés de la
nature en y mêlant les menus incidents dont
son existence est faite ; mais le plus souvent il
n'est question que de rendez-vous et de serments
amoureux :
Là-haut, sur la montagne,
Il y a trois jolies filles.
Y en a une
Qu'était la plus jolie,
C'est le tendeur
Qui va lui parler d'amour.
Où iras-tu bergère,
Demain z'au soir aux champs,
Ah ! oui, j'irai
Là-haut, sur ces montagnes,
Dans ces vallons,
Conduire mes blancs moutons, (i)
Voici encore la chanson de la Sage Isabeau,
chanson à deux voix, que le marquis de la Brande
publia jadis dans le Réveil de la Gaule :
Yénard. — Je viens l'y voir belle Isabeau,
Je viens t'y voir en ce printemps nouviau.
Je viens t'y voir ici dans ces lieux,
L'éclair de tes beaux yeux
M'a rendu amoureux.
Belle bergère, viens t'en !
Isabelle. — Monsieur, finissez vos cancans,
Monsieur, vous perdez votre temps.
Je suis bergère,
Je suis grossière.
Je suis bergère en vérité,
Sans esprit, sans beauté,
Sans avoir mérité
Monsieur, vos qualités.
Yénard. — Bergère, si tu voulais m'aimer,
Tu les aurais, mes amitiés.
Plutôt que d'être
Sur ces champs, paître,
Plutôt que d'être exposée au vent,
A la rigueur du temps,
Mon carrosse t'attend,
Belle bergère, viens t'en !
Isabelle. — De vos carrosses et de vos chevaux,
Monsieur, vous n'avez rien de beau,
Rien ne me tente,
Je suis contente
De mes amours. En guidant mon troupeau,
En tournant mon fuseau,
En chantant des airs nouveaux.
YÉNARD.
Adieu donc, la belle sans pitié,
Puisque tu ne veux point m'aimer.
dans un livre de François Fertiault avec ce titre : Branle
Bourguignon. La «Romania» la retrouve dans le Haut-
Forez, le comte Jaubert dans le Centre. Elle est dans le
Rival (Puymaigre), dans l'Amant consoli (Beadé) et dans
le Fils du Cordonnier (Bujeaud).
(i) La chanson de Tranziaux.
Adieu méchante,
Mal obligeante.
Isabelle. — Adieu, smondeur, trompeur.
Cajoleur, sans honneur,
Qui voudrait sur mon cœur,
Jouir de mes faveurs.
A force d'entendre chanter l'amour à la sai-
son où l'aubépine est en fleurs, quoi d'étonnant
si les petits oiseaux nous régalent aussi de leurs
concerts amoureux ? C'est du moins ce qui est
arrivé dans les environs d'Issoudun aux P'tits
oiseaux de Toutifaut.
Il était un p'tit jaunet
Qui voulait s'y marier,
Qui n'avait pas dequoué.
Et moun alouette,
Ma torlorizète,
Sont les p'tits oiseaux
De Toutifaut.
Dieu merci, passe un grand chien,
Sur ses reins il porte un pain
Et moun alouette, etc.
Dieu merci, j'avons du pain,
Du fricot, j'en avons pas.
Par ici pass' le corbeau,
Sur ses reins porte un gigot.
Et moun alouette, etc.
Dieu merci, j'ons du gigot,
Mais du vin j'en avons pas.
Par ici pass' la souris,
Sur ses reins porte un baril.
Et moun alouette, etc.
Dieu merci, j'ons ben du vin,
D'cormeluzeux j'avons pas.
Par ici passe un grous rat,
Sa cormelus' sous son bras.
Et moun alouette, etc.
Dieu merci, via l'cormuseux,
Les danseux v'nont toujou pas,
Par ici pass' la guernouille
En souliers et en pantoufes
Et moun alouette, etc. (i)
La cadence légère, le rythme sautillant de
bourrée se change parfois en complainte avec
les lamentations de la bergère attendant son
promis parti au régiment. Elle avait le temps
de soupirer, car le service militaire en ce temps-
là était de sept années !
Y aura bentôt six ans, au printemps,
Que j'ai pas vu mon galant.
Il s'est engage au service du roi,
Ne pensant plus à moi.
Et mon plus grand desespoir,
C'est de ne pas savoir
Quand j'pourrai le revoir. (2)
Elle reprend pourtant courage et se console
en regardant les fleurs et en écoutant les oiseaux.
(1) Cette chanson .1 parue dans le Réveil dt U Garnit
avec quelques variantes, sous la signature de P.de la Loje.
(2) Voir aux chan
C'est mon barger,
Ah ! qu'il est donc volage !
Mais le printemps va me le ramener,
J'aime à entendre son doux langage.
C'est avec ça qu'il a su me charmer.
J'irai dans mon jardin
Cueillir du romarin.
Le soir et le matin,
Et puis j'entendrai
Le rossignol chanter
Et je me consolerai.
Mais il arrive parfois qu'avant ce temps un
noble seigneur des environs, propriétaire de la
métairie où elle est en condition, fatigué de la
chasse, vient lui conter fleurette :
En chassant dedans ce bois,
Charmante bergère,
Je viens m'asseoir auprès de toi.
Dessus la fougère.
Laisse paître ton troupeau
Sur la tendre herbette.
Je voudrais te dire un mot,
Un mot d'amourette.....
Elle se laisse éblouir par ses promesses, se
laisse tenter par l'anneau d'or ou les écus qu'il
lui offre et la pauvre fille ne rêve plus que
« titres de noblesse » ; elle se voit déjà comtesse
ou marquise et laissant là sa « quenouillette »,
elle monte en croupe derrière le « beau cava-
lier » ! Cela nous gâte un peu notre bergère,
mais les- rois autrefois n'épousaient-ils pas les
bergères ?
« Et c'est un délice, écrit notre maître sculp-
teur Jean Baflîer, que de retrouver cet accent
du terroir de France, cet art sain, fleurant bon
le thym, la marjolaine et qui fait penser aux
superbes frondaisons des grands bois, à l'alouette
qui s'élève dans le plein air des champs, au
noble labeur, aux glorieuses semailles, aux belles
moissons, aux magnifiques pressées, aux amours
robustes et saines ».
IV
Les Chansons de Conscrits
ous le Premier Empire, les « chan-
sons guerrières » eurent un regain
de popularité. Les vieux débris
d'Austerlitz et de Wagram en rap-
portèrent un stock dans leurs
fovers. Elles avaient comme signa-
ture, la glorieuse auréole des champs de bataille.
Au cours du règne de Charles X, on chantait
encore ces chansons; seulement, on substituait
le mot « roi » au mot « empereur » et l'on
prenait Alger comme on avait pris Saragosse,
sans changer de refrain !
Il est beaucoup plus aisé de reconstituer
l'origine des chansons du Second Empire. Celles
qui nous sont restées portent bien l'empreinte
locale.
Le corps d'élite des grenadiers de la Garde
Impériale de Napoléon Ier, rétabli sous Napo-
léon III, reçut le baptême du feu en Orient et
se couvrit de gloire en Crimée. Ce sont les
« bonnets à poils » ces fameux « guernadiers »,
qui menèrent nos chansons au pas de charge,
sous la mitraille russe à l'Aima, Sébastopol,
Balaclava, Inkermann et Malakoff! Elles s'en-
volent ensuite en Italie. On les retrouve sous
le feu des batteries autrichiennes à Palestro.
Elles passent la Sesia avec Canrobert et foncent
avec les baïonnettes françaises sur les troupes
de Giulay à Magenta et sur celles de François-
Joseph à Solférino !
Elles ont soutenu le moral du soldat, ces
chansons, lorsqu'il couchait sur la terre glacée
des bivouacs et n'avait pour toute nourriture
que le « pain noir d'amounition ! »
La Chanson des Gars de La Chaire nous
dévoile dans sa rude naïveté toutes les horreurs
de la guerre et parmi les éclairs et la fumée des
combats, comme sur une toile de fond, se déta-
chent — précieux mirages ! — le clocher du
village, l'humble maison où les vieux parents
attendent, où quelque jolie fille ■en coiffe pleure
une si longue absence, mais espère toujours !
La 2me légion de l'Indre se souvient de la
vieille chanson démarche qui conduisit ses aines
à la victoire, et sous les balles prussiennes en 70,
elle la chantait encore.
Autrefois, le départ des conscrits était un
grand événement dans la vie des campagnes.
La France, presque toujours en guerre, ceux
qui « partaient pour leur sort » n'étaient pas
bien sûrs de revoir les « chers parents », la Ro-
salie, la Françoise ou la Virginie ! Les complain-
tes abondent sur ce sujet :
Adieu donc ma Manon, j ,.
Ah ! je m'en va-t'en guerre
En ceux pavs, ben loin, pour servir le Roi.
Ah ! ma Manon, qu'j'ai du regret !
Si tu t'en vas galant ) .
Écris-moi z'une lett'e )
Écris-moi la ben vite et promptement
Mon ch'iit cœur y sera content... etc.
ou bien encore :
Virginie, ma Virginie.
Virginie les larmes aux yeux
Je viens te fair' mes adieux,
Nous en vont droit au couchant... etc.
Mais le tambour bat, le clairon sonne ; le
conscrit relève le front, se met au pas, et, der-
rière les plis du drapeau, il s'en va où le Devoir
l'appelle :
La bell' si nous partons,
C'est la Loi qui l'ordonne,
La bell' si nous partons,
Servir Napoléon... etc. (1)
Les uns s'en vont en Chine, les autres partent
pour l'expédition du Mexique :
Je viens te faire nus adieux
Les larmes aux veux, ma Rosalie
Je vais partir pour l'Amérique.
Pour moi. c'est un bien triste sort.
Cela causera ma mort.
le ne regrette que Rosalie : V-'ï
Rosalie, navrée de voir partir son galant se
fait religieuse. Elle est moins romanesque que
(1) Voir aux chansons.
(2) On remarquera combien ce couplet ressemble à
celui île Virginie, cité plus haut. N'est-ce pas la même
chanson avec une version différente! Le marquis de la
Brande a donne cite dernière en entier avec notation,
.Lux le Réveil de la Gaule et M. Henry Gay a de son
côté recueilli celle de Virginie dans la Revue du Berry et
du Centre sans notation toutefois, ce qui ne nous permet
pas de juger exactement.
13 —
la Belle Angélique qui s'habille en garçon pour
suivre son beau grenadier ! Lorsque les
« bombes et les boulets » les avaient épargnés,
et qu'ils revenaient au pays, que de changements
dans la métairie, que de tristesses aussi, parfois,
ies attendaient :
Le jeun' garçon s en va
Tout dret de chez son père :
Bonjour chers père et mère.
Frères, sœurs, chers parents !
Je viens voir ma Françoise,
Que mon cœur aime tant !
Son père y lui répond
D'un air tout en tristesse :
Françoise, ta Françoise,
François' n'est plus ici !
Son corps il est en terre,
Son àme au Paradis !
Quelques-uns revenaient avec un membre
de moins bien souvent, mais la croix épinglée
sur leur capote grise :
Ali ! que dira ma bonne et tendre mère
En me voyant cette croix ? (bis)
Tu lui diras : ma bonne et tendre mère,
Regarde la, mais ne la touche pas !... etc.
Quelle que soit la gloire qui s'attache à ces
épopées, nous préférons, à l'accompagnement
des balles et des boulets, pour nos « chansons
guerrières *, le ronflement joyeux des vielles et
des cornemuses relevant le pas d'un peuple
pacifique qui suit ses maîtres-sonneurs dans la
radieuse ensoleillée d'une belle fête berriaude !
99***999999999999911191
Les Chansons de Noces
'il est un acte de la vie qui appelle
la chanson, c'est assurément le
mariage. Aussi, les Berrichons, gens
d'un naturel plutôt enjoué, mar-
quent-ils d'un refrain chacune des
phases de cette cérémonie. Au
début, ce sont de langoureuses mélopées sur
l'amour, la fidélité, de mélancoliques pastorales
dont l'accent convient aux rythmes chevrotants
de la vielle et de la cornemuse ; puis, le couplet
s'anime, se colore — dirait-on — aux reflets du
vin ; le diapason s'élève au retour de la mairie
et de l'église, la joie de vivre exulte pendant
le repas et la romance et l'idylle se terminent
presque toujours par des odes bachiques, des
chansons licencieuses. C'est que l'ancêtre berri-
chon affectionnait le sel gaulois, la grosse plai-
santerie et ne reculait pas devant le mot.
Certaines de nos vieilles chansons populaires,
parmi les plus belles, sont choquantes, il est
vrai, mais moins dangereuses pour la morale que
la plupart des chansons modernes qui ne se
couvrent de voiles que pour mieux souligner
le vice.
Les noces de campagne ont beaucoup perdu
de leur pittoresque. Je n'irai pas jusqu'à évoquer
le souvenir de nos arrière grand'mères qui —
les voies de communication n'existant pas à
l'époque — se rendaient aux noces, en croupe,
derrière les cavaliers montés sur de lourds che-
vaux de domaine que précédait un joueur de
cornemuse, dont la pacifique monture semblait
marquer de sa tète dodelinante la cadence des
airs rustiques que celui-ci leur jouait pour
égayer la longueur de la route... Je rappellerai
simplement ces cortèges composés de paysans à
l'allure un peu traînante, en blouses neuves et
claquantes, donnant le bras à leurs compagnes si
naïves et si pures sous la coiffe plate à fond
brodé, le fichu à fleurs chastement croisé sur
les seins, en cotillons courts et souliers plats,
comme la laitière du bon La Fontaine !
Vielles et cornemuses ouvraient la marche
avec les Adieux de la Mariée, dont le ton lar-
moyant répondait à la tristesse de la mère qui
voit sa fille quitter la maison, sa fille, cette
jolie mariée qui, grave, les yeux baissés, s'avan-
çait vers le seuil de l'église en filant les aiguil-
lées de chanvre fin dont sa quenouille était
garnie...
Aujourd'hui, le paysan a perdu le sens de ces
choses simples et pourtant si poétiques! Il suit...
le Progrès ! Et ce n'est pas à son avantage : le
marié, (figé comme un mannequin dans une re-
dingote de confection, coiffé d'un melon ou d'un
haut de forme, ses mains épaisses, crevassées
aux mancherons des charrues, emprisonnées
dans des gants blancs, son cou bronzé par les
soleils de juillet et les vents de galerne, serré
dans un carcan de toile amidonnée) donne le
bras à la mariée affublée, comme une bour-
geoise, de falbalas qui balayent le sentier boueux,
derrière la clarinette et le piston !
De toutes nos coutumes, les plus ridicules
sont restées. Ainsi, lorsque le dernier enfant
d'une maison se marie, on fait brûler le balai.
On va même chez les voisins, et chaque balai
que l'on trouve, on le jette impitoyablement au
feu. C'est évidemment un symbole ; mais le sens
nous en échappe. Le jour du mariage de sa fille,
le paysan allume dans sa cour un grand feu de
joie au milieu duquel — et différemment suivant
les endroits — on jette soit le bonnet de la ma-
riée, soit le « coeffion » de la belle-mère et le
chapeau du « vieux ». Chaque invité est ensuite
tenu de sauter par-dessus le brasier. Cela chasse
les sorciers, parait-il !...
Puisque, comme un torrent dévastateur, le
ProgTès a emporté ce qu'il y avait de plus gra-
cieux dans nos campagnes, ne parlons que du
Passé.
A la fin de la Mare au Diable ( i ), George Sand
nous décrit le mariage de Germain et de la pe-
tite Marie avec toutes ses coutumes et solenni-
tés. Cette femme illustre connaissait si bien le
Berry qu'il est difficile de glaner après elle quel-
que trait que sa plume vivante et avertie ait
laissé passer ; au point que si parfois nous nous
flattons, dans notre orgueil de publiciste, d'avoir
été les premiers à noter une particularité dans
(i) Cf. George Sand: Zj Mare au Dia>>U. Appendice.
15 —
les mœurs de nos compatriotes, nous nous
apercevons, en feuilletant George Sand, que, là
encore, nous avons été devancés !
C'est pour vous fair' la demande
D'vout' Margot pour nout' Jeanniot. (bis) (i)
On chante encore, à peu près sur le même
Dès qu'un garçon avait des « vues » sur une
« blonde », il allait déposer à sa porte une touffe
d'aubépine fleurie enguirlandée de rubans et de
dentelles. Cela s'appelait « planter le mai ». Si
le garçon ne plaisait pas à la blonde et que celle-
ci reçut ses avances d'une façon trop mal gra-
cieuse, le galant évincé se vengeait en remplaçant
le mai par un fagot d'épines. Cette coutume dé-
généra en facéties d'un goût douteux : aux
portes des vieilles tilles, on mit une branche de
saule pleureur avec des bottes d'oignons !...
Le valet de ferme qui pousse la charrue à tra-
vers les grandes plaines de l'Indre, le berger qui
garde les troupeaux dans les « verdiaux »
hérissant les bancs de sable où le Cher promène
son cours capricieux en hiver, se trouvent par-
fois très éloignés des fermes où les « blondes »
qu'ils espèrent sont en condition. Alors, en atten-
dant l'assemblée ou la foire du chef-lieu de
canton qui les mettra en présence, ils trompent
leur ennui en chantant des mélopées profondes
tout imprégnées de leurs tendresses et de la mé-
lancolie des solitudes. Les filles, de leur côté,
ne sont pas moins impatientes. L'ironie locale
se mêle parfois à l'idylle :
Dans l'bourg de T'vet, en vérité,
Ya des demoisell's nui veul'nt se marier.
Elles porten. des manchettes,
Des coiffes de dentelles
Et des p'tits souliers mignons
Pour plaire à ceux g?-çons.... etc.
Leurs mères vont les chercher au bal et les
traitent de « libertines, coureuses de ville », en
voyant leurs mouchoirs chiffon es et leurs bon-
nets de travers. Mais les filles tombent malades ;
elles ont des « mal de tête, en danger d'en
mouri... » Vite, on va quérir les « grands méde-
cins de ville » qui diagnostiquent... le désir
qu'elles ont de se marier !
Enfin les partis so~>t tombés d'accord, les
parents vont faire la Demande en mariage (i) :
Bonjou don la compagnie,
Bonjou, bon. ou, enter tous
Pé Colas, maîtress' jolie
Et lés auf tertou, itou.
J'v'nons vous voir tout' c'te bande
Et j'venons si bin si biaux
— Bonjou, métresse Jeannette,
Vout servante Améliora !
Vlez-vous marier Catorette
A nout' garçon Nicolas?
Y s'entend ben au commarce,
C'est lui qui vend nos naviots,
S'exarce à tirer les vaches
A dounner d'ia paille aux viaux.
C'est pas pour vanter nout' fille
Ni minm' pour en dir' du bin.
Mais c'est qu'aile est ben gentille
Et qu'a sait ben faire el pain.
Et d'sa main qui n'est point bête,
A distingu' fort aisément,
Un' culotte à un' grand'colte ;
C'est deux habits différents, etc.. (2)
La veille du mariage a lieu la présentation des
livrées : on désigne ainsi tous les cadeaux de
noces, vêtements, bijoux, articles de toilette, etc.
Ceux qui sont chargés de les offrir à la mariée
se rendent chez elle en chantant des airs de
circonstance qu'accompagnent les ménétriers.
Arrivés devant la porte de la jeune fille, ils la
trouvent solidement fermée au verrou. Alors, dit
George Sand, une lutte lyrique commence entre
les chanteurs du marié et ceux de la mariée,
car elle aussi a ses chanteux fins et, de plus, ses
chanteuses, expertes matrones à la voix chevro-
tante a qui l'on n'en impose point en donnant
du vieux pour du neuf. « Si l'on connaît au
dedans la chanson du dehors, on 1 interrompt
dès le premiers vers en chantant le second, et
vite, il faut passer à une autre. Trois heures
peuvent fort bien s'écouler au vent et à la pluie
avant que le parti du marié ait pu achever un
seul couplet tant est riche le répertoire des chan-
sons berrichonnes, tant la mémoire des beaux
chanteurs est ornée ; chaque réplique victorieuse
du dedans est accompagnée de grands éclats de
rire d'un côté, de malédictions de l'autre. Enfin
l'un des partis est vaincu et l'on passe à la chan-
son de noces (3) ».
« Ouvrez la porte, ouvrez,
Marie ma mignonne,
J'ons de biaux rubans à vous présenter
Hélas! ma mie, laissez-nous entrer.
A quoi les femmes répondent en fausset ou
d'un ton dolent :
(1) Nous connaissons aussi la Dem.ir.de en mariage du
Grand Pierre à la Yoyetle, qu'un amusant conteur, qui
signait marquis de la Brande, recueillit jadis dan> le
Réveil de la Gau.
1 Cette version du Haut Berry nous a été communi-
quée avec la notation par M. l'abbé K.irge d'Alouis.
(2) Cette seconde version a parue dans le Réveil de la
Gaule, recueillie par P. de la Loje.
(3) Gl ORGH Sand : /.rs Notes de campagne (chap. II).
i6
« Mon frère est en chagrin,
Ma mère en grand'tristesse.
Moi, je suis un' BIT de trop grand merci
Pour ouvrir ma porte à cette heure ici.
« Si les paroles sont naïves, dit encore G. Sand,
et la versification par trop libre, en revanche,
l'air est magnifique dans sa solennité simple et
large ».
Les hommes reprennent le premier couplet
jusqu'au troisième vers qu'ils modifient selon le
cadeau qu'ils doivent offrir, par exemple :
J'ons un beau mouchoir à vous présenter... etc.
Mais ils essuient de la part des matrones un
refus aussi catégorique que la première fois et
quinze, vingt couplets se déroulent ainsi jus-
qu'à ce que les hommes, après avoir énuméré
tous les cadeaux qui composent la corbeille de
la mariée : un beau devantiau, une croix en or,
des boucles d'oreilles, etc., finissent par dire :
J'ons un beau mari à vous présenter...
Alors, hommes et femmes reprennent à l'unis-
son en s'adressant à la mariée :
Ouvrez la porte, ouvrez,
Marie ma mignonne,
C'est un beau mari qui vient vous chercher ;
Allons, ma mie ! Laissons-le entrer !
Ces jeunes paysans chantant à la porte de la
fiancée nous rappellent certaine coutume grecque
où le chœur se présentait en grande pompe (évi-
demment le notre n'a pas la même majesté !)
devant la maison du vainqueur en lui chantant
des poèmes...
Enfin, voici le grand jour ! Les invités arri-
vent « à pleines voitures » :
Nous venons à ce soir
Tout dret de nout' village
Pour vous faire à savoir
A perpos d'vout' mariage
Madam' que j'vous souhaitons
Tous les plus heureux dons.
Recevez ce bouquet
Que ma main vous présente ;
Prenez-en une fleur
Et qu'ail' vous donne entente
Madam' que vos couleurs
Passeront comm' ces fleurs.
Recevez ce gâteau
Que ma main vous présente,
Cassez-en un morceau
Et qu'il vous donne entente
Que pour ce pain gagner,
Madam' faut travailler... etc. (i)
On voit que nos paysans usent entre eux
d'une courtoisie parfaite ! Ils aiment d'ailleurs
assez se qualifier comme des bourgeois ! « Mon-
sieur, madame ».
Nous somm's venus vous von
Du fond de nof village
Pour souhaiter ce soir
Un heureux mariage
A monsieur votre époux,
Aussi bien comme a vous... etc.
Le cortège se forme : vielleux et cornemuseux
viennent en tète en sonnant une vieille marche
berrichonne :
Au pays du Berry, quand une fillette
A fixé son choix, oui-da ! sur un epouseux,
Les parents, les amis, tn habits de fête
Viennent précèdes, oui-da ! d'un cornemuseux... etc. i)
La belle-mère ferme la marche et se désole :
Quand on marie ses filles,
Faut-y, que de tourmeits !
On les mène à l'église,
AH's vont toujours pleurant :
Adieu les amourettes.
Adieu, c'est pour longtemps... etc.
A la sortie de la messe, tout le monde fre-
donne ironiquement :
J'ia prenons cheux guère, guère.
J'ia menons cheux rin du tout.
Disons, disons tous
Qu'ail' ne valait gu
Disons, disons tous
Qu'ail' vaut rin du tout.
Mais où l'essaim des chansons prend son vol,
c'est au moment de ces repas pantagruéliques
qui durent parfois plusieurs jours. Le vin, l'amour,
la gloire, rien n'est oublié. C'est l'exaltation de-
là vie dans l'exubérance de la joie !..,
Deux érudits que le Berry devrait honorer
davantage pour avoir su conserver tant de
choses du passé qui seraient mortes sans eux,
MM. Laisnel de La Salle et Ribault de Laugar-
dière, nous ont transmis de fort réjouissantes
chansons.
En voici une qui donnera à peu près le ton :
Ma bell", fasez-moi un bouquet
Qui sietf ben fait :
Etachez-lu d'une soie varte
Ben proprement,
Mes amours, itou les voûtes.
Serjint dedans.
Généralement ces chansons se terminaient par
des « You ! You ! » frénétiques et perçants. C'est
le « Yo ! Yo ! » que les Romains faisaient en-
tendre aux l'êtes consacrées à l'hymen et à
Bacchus,
Le lendemain des noces, on accomplit un sot
usage que G. Sand a justement flétri, « car, dit-
(i) Cf. Ribault de Laugardière : Les Noces de campa-
gne en Berry. Une version de cette chanson a été publiée.
avec musique, dans /.,; Bonne Chanson, n" 6.
(i) Cette chanson qui fut attribuée, on ne sait pour-
quoi à G. Sand est de Lhuilhcr. C'est de nos jours, la
chanson la plus populaire du Berry.
'7
elle, il fait souffrir la pudeur de la mariée et tend
à détruire celle des jeunes filles qui y assistent ».
Vers quatre heures du matin, toute la noce fait
irruption dans la chambre nuptiale pour appor-
ter la routie (i) aux époux :
Ouvrez, ouvrez la porte, la jeune mariée,
Ouvrez la porte, ouvrez et laissez-nous entrer.
Ah ! non, vrai Dieu ! Je suis au lit,
Je suis au lit couchée... etc.
Peu à peu les invité-:, la parenté s'en vont ;
chacun retourne à ses travaux ; seule, la jeunesse
intrépide reste encore pour virer les dernières
bourrées :
En revenant des noces,
J'étais bien fatigué.
Au bord d'une fontaine
Je m'y suis reposé.
Oui, j'attends, j'attends, j'attends,
Celle que j'aime.
Que mon cœur aime,
Oui, j'attends, j'attends, j'attends,
Celle que mon cœur aime tant... etc.
Mais les carillons joyeux de la noce ont éveillé
l'espoir du gars qui n'a pas encore trouvé « chaus-
sure à son pied ».
(i) La même coutume existe en Bretagne. Mais la rou-
tie qui, chez nous, est une sorte de soupe frite très poi-
vrée, est remplacée en Bretagne par la soupe au lait.
J'en aurai l'une
A la Toussaint qui vint,
Soit blonde ou brune.
La beauté n'y fait rin.
Et trou la la,
Trou la 1ère...
Puis ce sont celles que l'on oublie, les Cen-
drillons qui restent à la maison pendant que les
autres sont partis aux noces :
Dedans Moinay le petit bourg
Ya des fill's tout à l'entour.
Yen a des gent's et pis des laides,
Toutes bonnes à marier,
Mais personn' les demande... etc.
Qu'importe ! Elles ne désespèrent pas. Leur
tour viendra aussi bientôt :
Vers choux nous ieux mariont tous
Gnya que moue qui garde l'âne.
Vers cheux nous ieux mariont tous,
Gnya que moue qui garde l'tout.
Quand mon tour vinra
Gard'ra l'âne,
Gard'ra l'âne,
Quand mon tour vinra,
Gard'ra l'âne qui voudra... etc.
Tout ceci est empreint à la fois de rudesse
primitive, de fine malice et de saine gaieté fran-
çaise !
VI.
Les Chansons de Métiers
ans chaque métier il y a une ca-
dence : la roue du moulin, la hache
du bûcheron, le marteau du forge-
ron, le fléau du batteur, etc. ; et
cette cadence appelle la chanson !
Chanter est presque un acte natu-
turel qui accompagne le geste du travailleur, qui
le désennuie dans sa tâche machinale.
Il semble que le cordonnier ne puisse bien
tirer son ligneul, le maçon manier sa truelle, le
laboureur pousser sa charrue, que s'ils joignent
un chant à leur acte. Avec eux, évidemment,
nous voilà loin des romances de bergères et de
mariées ; les accents sont plus rudes, les refrains
comportent généralement une onomatopée que
souligne encore la phrase musicale, et les paro-
les sont si naturalistes parfois, qu'il serait difficile
d'aller jusqu'au bout des exemples que nous
voudrions citer, sans dépasser les bornes d'une
morale très élémentaire.
Bûcherons, scieurs de long, charbonniers, tous
les « quiaulins » (comme on désigne chez nous
ceux qui vivent et travaillent dans les bois),
avant que la Politique ne soit venue les troubler,
égayaient leurs pénibles besognes avec des
chants qui avaient presque toujours pour thème
les soucis et les espoirs de leur existence.
Voici la chanson des scieurs de long :
Ya pas d'métier plus brave,
Lon fron fron la
Lon fron fron la.
Ya pas d'métier plus brave
Que les scieurs de long, {bis)
Quand ils sont sur leurs pièces,
Lon fron fron la
Lon fron fron la
Quand ils sont sur leurs pièces,
Entonnent une chanson, (bis)
Le maître les vient voir»
Lon fron... etc.
Le maître les vient voir* :
Courage, compagnons ! (bis)
Nous aurons de l'ouvrage,
Lon fron... etc.
Nous aurons de l'ouvrage
Pour toute la saison, (bis)
A la saison finie,
Lon fron... etc.
A la saison finie
Nous en retournerons, (bis)
Chacun z'avcc sa femme,
Lon fron... etc.
Chacun z'avec sa femme
Les ceuss qui n'en auront, bis (l)
Citons la délicieuse mélodie du Fendeur dont
tant de provinces revendiquent la paternité :
C'est un joli fendeur
Dans sa loge jolie.
Il tenait dans sa main
LTne rose fleurie,
Fendeur, dormez-vous ?
Fendeur, joli fendeur,
Fendeur, réveillez-vous... etc. (2)
Sous la futaie, d'autres chansons s'envolent
avec la fumée des charbonnières :
Chaibonnier, mon ami.
Que ta chemise est noire !
Helas ! madame, c'est l'état du métier,
Chemise noire au charbonnier.
Charbonnier, mon ami,
Combien vends-tu ta banne?
Hélas ! madame, je la vends dix êcus,
C'est du charbon de bois menus.
Charbonnier, mon ami,
Combien veux-tu d'ta banne ?
Hélas ! madame, je la vends trente francs
Et vos amours comprises dedans, etc.
Le laboureur va nous conter ses difficultés
avec l'existence :
Le pauvre laboureur
Depuis l'âge de deux ans
Est habillé en toile.
Comme un moulin à vent
(1) Recueillie par Henri Gay.
(2) Voir aux chansons. André Theuriet la revendique
pour la Lorraine, Achille Million pour le Nivernais. Diffé-
rentes versions existent même dans certaines régions du
Bercy. Je la donne telle que la chantait Henri Dumont,
igriculteur à Sancoins, dont la bonne toi ne saurait être
suspectée, qui l'écrivit lui-même et me la donna comme
étant de pure source berrichonne. Il était ne vers l8;8et
il la tenait de sis aïeux. I.a version nivernaise n'est pas
très différente comme paroles, de la notre (bien qu'elle
comporte ties couplets surajoutés) ; mais tandis que la
mélodie * rappelle, dit le musicien Pcnavaite, le style du
plain-chant d'église >, la nôtre se poursuit à l'allure \\o
et décidée Je la bourrée.
— 19
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige,
Orage ou mauvais temps,
L'on voit toujours sans cesse,
Le laboureur aux champs.
Refrain :
Allons, allons, allons, ch...
Allons, mes petits compagnons,
Copé, Sarrazin,
Et l'boyer ça fait cinq... in...
Allons, allons, allons, ch...
Allons, allons, allons, ch...lon.
2.
Le pauvre laboureur
Il a beaucoup d'enfants
Qui vont à la charrue
Depuis l'âge de douze ans,
Il leur fait faire des guêtres
Pour l'état du métier,
C'qui n'empêch' pas la terre
D'entrer dans leurs souliers.
3-
Le pauvre laboureur i
Il a ben du malheur, j ,s
Il n'est ni roi, ni prince,
Ni banquier, ni seigneur
Qu'empêcheront la peine
Du pauvre laboureur.
4-
Qui qu'a composé c'te chanson,
C'est un garçon boyer,
Assis sur sa charrette
Il se mit h chanter.
Piquons de droite à gauche,
Et nous émouvons pas,
Nous sortirons peut-être,
Ah ! De ce mauvais pas ! (i)
C'est la vie en raccourci du paysan d'autrefois.
Aujourd'hui, sans « rouler sur l'or », Jacques
Bonhomme est plutôt cossu ; en tout cas, il
gagne largement sa vie. Ici, l'inspiration du barde
rustique est toute spontanée : « Assis sur sa char-
rette », il improvise, « il se met à chanter... »
Et cela nous rappelle l'admirable Paul Froment
dont la fin tragique et prématurée (il mourut à
22 ans) semble devoir rester toujours dans le
mystère, qui composait en labourant les plus
belles chansons, qu'on n'ait jamais entendu en
terre d'Agenais !
On pourrait reconstituer ainsi avec des chan-
sons toute la vie du peuple des champs.
Les moissons rentrées, le paysan bat son blé
sur l'aire de sa grange, et au bruit des fléaux, il
chante :
Oh ! hatteux, battons la gerbe,
Compagnons, joyeusement... etc.
Un qui parait moins satisfait de son métier,
c'est le vigneron :
(i) A défaut de la musique, nous avons tenu à donner
les paroles de cette vieille chanson bcrriaudc recueillie
par M. Henri Dtimont et que Julien Tiersot baptisa:
Chanson de la Bresse !
Ah ! quel état de galère
Que l'état de vigneron !
Toujours bouler la terre
En toutes les saisons
J'aurions d l'argent comme un homme,
Comme un groùs baron.
Qu'on nous dit : c'est pas un homme,
C'est un vigneron, (bis)
La porchère qui conduit son troupeau à la
glandée égrène en chemin ses couplets :
Quand j'étions de chez mon père,
Les cochons j'allions garder (bis)
You ma tron tron tron tiretaine,
Vou ma tron tron tron tireton... (i).
On s'étonne de rencontrer fréquemment dans
nos vieilles chansons le mot « matelot ! » C'est
que la pensée de la paysanne, le souvenir de la
bergère pendant les veillées d'hiver s'envolaient
souvent vers le gars ou le fiancé parti pour son
sort et qu'un mauvais numéro avait fait classer
dans la marine. Il naviguait pendant de longues
années, (le service militaire étant alors de sept
ans), et s'il ne mourait pas d'un coup de sagaie
ou de la fièvre au bord de quelque marigot, on
le voyait un beau jour débarquer au seuil de la
métairie, bronzé comme un marocain, maigre
comme un chacal, mais portant triomphalement
sur son épaule, un affreux ouistiti ou un perro-
quet des Iles !
Le pauvre marsouin peinait beaucoup à se
réhabituer à la vie des champs ! Il passait son
temps à raconter ses campagnes dans « ceux
pays sauvages », ses voyages à travers les mers
lointaines... C'était une aubaine pour les « faiseux
de chansons » qui composaient cinquante cou-
plets sur ces pittoresques récits.
Maintenant, on désigne aussi chez nous sous
le nom de « matelots » les mariniers du canal
du Berry !... Tout simplement !
Celui qui tenait une large place dans l'exis-
tence du paysan berriaud, c'était le cornemuseux !
On le voyait escorter les noces, les défilés de
conscrits, les mascarades des jours gras, activer
les pileurs de raisin au temps des vendanges ; il
jouait même à l'église pendant l'Elévation et le
Magnificat et c'était lui « qui faisait danser ceux
filles à ceux printemps nouviaux! » Assissur un ton-
neau, un pichet de vin coiffé d'un verre à ses pieds,
il bouffait à perdre haleine dans sa peau de bouc :
Vous avez ben tous connu
L'pé Larue et sa musette,
l, ■ min ! Ouin, ouin, ouin !... etc.
Ainsi, malgré les duretés, les injustices, les
tristesses de la vie, du haut en bas de l'échelle
sociale, on chante, tant est vrai ce proverbe :
« En France, tout finit par des chansons 1 »
(i) Voir au chansons. — On trouve cette chanson : La
Tr eut gar elle, dans l'Angoumois, sur un autre air et avec
de nombreuses \ ariantes.
X/M XM MM 3821 3321
VII.
Les Chansons de Fêtes
os provinces françaises sont plus
ou moins expansives. La configu-
ration du sol semble jouer un rôle
dans la diversité de leur humeur.
Ainsi, les populations sylvicoles
ou montagnardes sont générale-
ment plus calmes que celles qui
vivent au bord d'un fleuve ou dans une plaine.
La Nature, heureusement, supplée à cette
mélancolie par la chanson des arbres et des
oiseaux.
Partout où il y a du soleil, des coteaux, de la
vigne, les gens sont gais et bruyants. Tout est
prétexte à chansons. Autrefois, en Berry, chaque
corps de métier avait son patron, chaque patron
sa fête et sa chanson appropriée. Il n'était pas
un village, pas un bourg qui n'eut sa fête patro-
nale ; (apport ou assemblée) et, comme aux
temps païens, tous les rites de ces fêtes étaient
accompagnés de chants.
La S1 Jean avec « la foire aux valets », la
S' Thomas et Noël, Noël surtout, donnaient lieu
à des réjouissances et à de curieuses coutumes.
Au soir tombant, le maître aspergeait avec
de l'eau bénite, la bûche de Noël que l'on nom-
me diversement tniffiot ou cosse de Nau et qui
provient d'un chêne vierge de tout élayage. Il y
mettait le feu, puis les gens de la maison allu-
maient des lanternes et tous s'en allaient par les
sentiers couverts de neige, fêter la Nativité à
l'église du village. Chemin faisant, les habitants
des autre- métairies se joignaient à eux et des
centaines de petites lumières dansaient dans la
campagne comme des feux-follets, tandis que le
chant d'allégresse des bergers s'élevait dans la
nuit mystérieuse et glacée :
Boulons nus habits Ils plus biaux
Que j'ons quand il est fête.
Pour adorer l'Enfant Nouviau,
Ça s'nut t'y malhounnête,
Si j'allions, en saligauds,
Visiter nouter Maître. (i)
Au retour, on donnr.it double provende aux
bêtes dans l'étable, puis on réveillonnait :
Madame Louise prend chemin
Avec nout' assemblée,
(i) Voit aux chansons. Les vignerons de Milla
en Sologne, se sont attribi é ce Noël 1 e Berry l'a t iu
jours chante !
Apportant saucisse et boudin
Et vin blanc de l'année... etc.
Ces chants, sur le rythme sautillant de la
bourrée vont souvent du mode majeur au mode
mineur, du rire aux larmes, sant transitions. Les
paroles ont un tour fin, plaisant, narquois et
sont parfois d'une grivoiserie qui serait insolente,
si elle ne s'abritait sous le voile d'une amusante
naïveté. A côté de ces chansons « gauloises » qui
nous rappellent Gargantua, illustre chez nous
bien avant que Rabelais n'eut écrit son histoire,
à côté de ces hardiesses de langage, on trouve
aussi l'accent mélancolique de certains airs gaé-
liques et des anciens chants d'Irlande.
Les enfants n'oubliaient pas, le Jour des Rois,
d'aller de ferme en ferme réclamer « la part à
Dieu ». Le plus grand chantait ces couplets en
s'adressant à la compagnie :
Avisez donc ce biau gâtiau
Qu'il est dessus la table
Et aussite ce biau coutiau
Qu'est au long qui l'argade.
Ah ! si vous pouvez
Pas ben le couper.
M'y faut le dounner
L'gâtiau tout entier.
Ah ! si vous vlez ren nous dounner
Faites nous pas attendre.
Mon camarade qu'a si grand fré,
Moue que le corps m'en tremble.
Dounnez-nous en donc !
l'avons qu'trois calons
Dans nouter bissac
Fasons trie et trac !
Ah ! dominez, dounnez-nous en donc
faites moue pas attendre
Dounnez moue la till' de la maison.
Ah ! c'est ben la pus gente
Qu'est contre le feu,
Que coupe ia part à Dieu.
Je v Ions pas nous en r'tourner
Que nouter jau il ait chanté.
Et tous les gamins reprenaient en chœur :
Les Rois ! Les Rois !
La part au bon Dieu s'ibvous plaît !
Ceci rappelle l'aguilc des petits bretons et les
Evangueus îles Ardennais.
Pour le Mardi-Gras, on promène dans les rues,
au son des vielles et cornemuses le bœuf vielle
tout enrubanné.
Mardi-Gras,
T'en va pas,
J f ions des crêpes... etc.
Le dimanche suivant, premier de Carême,
autrement dit, jour des Rogations, a lieu en
Berry la fête des brandons. Au crépuscule, les
feux des « brandouneux « s'allument. Ils vont
par bandes, agiter des torches enflammées sous
les arbres fruitiers et dans les semailles, afin
d'empêcher les vergers et les îécoltes d'être
ravagés par les mulots, les insectes et autres
calamités de l'agriculture. Cette coutume rap-
pelle les Lupercales qui se faisaient à Rome en
l'honneur du dieu Pan. (i)
Brandounons la nielle
Et la nielle et l'éehardon ;
Brandounons fumelles,
Brandounons la nielle... etc.
Voici Mai ! On va célébrer le retour du soleil,
le mois de l'amour, des fiançailles et des fleurs !
En Lorraine, des théories de jeunes filles vêtues
de robes blanches parcourent les rues en chan-
tant des trimazos ; en Berry, les jeunes filles
restent chez elles, attendant leurs fiancés qui
vont leur apporter les premiers rameaux d'au-
bépine :
J'ai pris la fantaisie
D'aller chanter le mai
Tout le long du gué
Joli mois de mai
D'aller chanter le mai
A la port' de ma mie.
A la port' de ma mie,
Galant n'y chantez pas
Tout le long du gué.
Joli mois de mai
Galant n'y chantez pas,
Hélas ! Je vous en prie !
Il y a une soixantaine d'années, le premier
dimanche de Mai, on célébrait encore le Brunit
dans la plaine de Xeuvy-le-Barrois. C'était une
sorte d'assemblée qui rappelait le Berlue ou fête
du printemps que célébraient les Celtes.
La fin des moissons donnait également lieu à
une belle cérémonie que George Sand a fidèle-
ment rendue dans Claudie. On fêtait la Ger-
baude: la dernière gerbe couverte de fleurs et
de rubans était hissée sur le chariot et ramenée
à la ferme au bruit des musettes et des chan-
sons. Quelques fêtes patronales sont encore
observées aujourd'hui : la S' Abdon, la Sv Vin-
cent et la S' Sylvain, patrons des laboureurs et
des vignerons.
Le soir, on fait bomban.e dans les auberges;
on mange du salé, des ragoûts, des sauc
vin, des rôtis, de la salade avec beaucoup de
moutarde (sans cela le repas ne serait pas com-
plet 1) et lorsqu'apparait la galette aux « tru-
elles », le grand Louis de la Pille-Lourde ^ lève :
— Laquelle que j'vas vous chanter ?
— Celle-là qu'tu contes si ben et qu'tu chan-
tes si mal, va donc ! insinue un malin.
— La plus près du pouce ! crie un moisson-
neur de Sta Baudel.
Enfin, le grand Louis se décide :
— Verse-moi à boire, toi, Guillemot, j'ai soué !
Puis une main sur le cœur, les yeux fixés au
plafond, il chante :
Ah ! si l'amour prenait racine
Dans mon jardin j'en planterais,
J'en planterais si long, si large,
J'en frais part a mes camarades,
Vive le un !
Vive le vin ! Vive l'amour !
Et voilà le jour ! ( i )
Il ne faut pas oublier que le Berry est un pays
de vignes ! S'il ne fournit pas de grands crûs il
produit tout de même des vins blancs et des
vins gris dont la couleur rubis fait flamber l'œil
d'un berrichon, et dont la saveur est des plus
agréables. Les vignobles de Sancerre, Quincy,
La Châtre, Issoudun, qui nous a donné le Cautpo-
Forti dont parle César, sont justement renom-
més ; aussi les vendanges sont elles fêtées comme
il convient :
Beau vigneron plantant -.a vigne (bis)
La plante à la pointe du jour
Quand la bergère fait son tour.
La belle entra dedans la vigne,
Elle en trouva fort à son goût
Des raisins verts, des raisins doux... etc.
« Dardelantes » et « poiluses » ce jour-là pren-
nent leur volée ! Les « Macchabées » comme on
appelle les vignerons à Issoudun (probablement,
dit M. de Laguérenne, parce qu'ils forment une
nombreuse famille), font défiler tout le répertoire
des chansons bachiques : airs de bourrées, chan-
sons de marche, rondes et branles se succèdent
au milieu du charivari de la lourde gaieté ber-
riaude, rappelant les festins de nos ancêtres, les
Gaulois, animés par le vin de Massalie et chan-
tant leurs hymnes guerrier-.
Par une délicieuse fin de journée d'été, je me
promenais sur la route de S'-Chartier en compa-
gnie de l'aimable curé de Verneuil. Un vigneron,
ses outils sur l'épaule, descendait la côte que
nous gravissions. Il s'arrêta devant nous, et sa
face vermeille, éclairée d'une douce joie, d'un
geste large, il désigna 'es vignes qu'empourpraient
les derniers feux du soleil couchant :
— Hein, l'abbé, s'écria-t-il. Yen a t'y encore
des chansons là-dedans !...
Oui ! Tant qu'il y aura des vignes et des
il y aura de- chan OHS en Berry
tns notre beau pays de Fiance !
(l) Cf. Chapitre II : Les « Ronds > et les » Dardi I
ii, Celte chanson est consignée dans Laisnel de la
.sml couplet qui
s'en rapproche a peu près est celui-ci :
-; l'amour prenait racine
■ut' ni,, vigne,
yen planterais dans mon Jardin
Aux çuatn
J'en ba\
(lui il': n ont /••'tut.
22
LA BERGERE AUX CHAMPS
Harmonisée par
Hjelle Aimée de Mourgues
Moderato
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Que la bergère aux
N'ya rien dans, si char, niant
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Ion lai. re Ion lai.ro Ion laî.ro Ion la
Quand la bargère entend
La voix de son galant,
Ail' prend sa jupe varte
Et son biau cotillon,
AU' va ouvrir sa porte
A son barger mignon.
Au Refrain.
Barger, mon doux barger,
Où irons-nous prom'ner ?
Là-bas, dedans la plaine,
Un beau châtiau il y a,
Nous souperons ensemble
Parlera qui voudra.
Au Refrain.
Barger, mon doux barger,
(_>u'aurons-nous à souper ?
L'n pâté d'alouettes,
L n fort joli gâtiau
Et du bon vin d Espagne
Que j'ai sous mon mantiau.
Au Refrain.
Barger, mon doux barger,
J'entends quelqu'un passer.
Je crois que c'est mon père
Oui vient pour me chercher!
Cachons-nous sous l'herbette
Et laissons-le passer.
Au Refrain.
24
FAUT- IL ETRE SI PRES
D'UN ROSIER!
Notée et harmonisée par
André Coedès-Mongin
ç/And1!0 espressivo
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Faut - il êtr si près d'un ro . sier
Sans y pouvoir cueillir la
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-lez, Car c'est pourvous qu'la ro.se e . elo . se.
Faut-il ètr' si près d'un ruisseau
Endurer la suif que j'endure.
Beuvez, beuvez, cher émant, beuvez,
Car c'est pour vous que l'ruisseau coule !
A. SH^B.
25
LE FENDEUR
\ ■ ■ . ■ 1 1 haï monisee par
André Cœd'es-Mongin
Allegretto
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26
Le roi vint à passer,
Le roi avec sa fille.
Le roi dit au fendeur :
« Donne-moi donc ta rose ! »
Fendeur, dormez-vous... etc.
« J'ai deux vaisseaux sur l'eau
Chargés de marchandises.
Yen a un chargé d'or,
L'autre de pierres fines. »
Fendeur, dormez-vous... etc.
Le fendeur dit au roi :
« Pour te donner ma rose,
Pour te donner ma rose
Tu m'donn'ras donc ta fille ! »
Fendeur, dormez-vous... etc.
« Yen a un chargé d'or,
L'autre de pierres fines,
L'autre qui n'a rin d'dans,
Rin que trois jeunes filles ».
Fendeur, dormez-vous... etc.
« Pour te donner ma fille,
Tu n'es pas assez riche,
T'as pas seul'ment vaillant
Sa robe et sa chemise ! »
Fendeur, dormez-vous... etc.
« Yen a un' qu'est ma sœur,
L'autre qu'est ma cousine,
L'autre m'est rin du tout,
J'en ferais ben ma mie ! »
Fendeur, dormez-vous... etc.
27
LA FILLE D'UN PRINCE
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Notée et harmonisée par
André Coedès- Mongin
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la la la le . te, Tra la la la la la la. Ce . tait la fi 11" d'un
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Se met à sa fenêtre
Tra la... etc.
Se met à sa fenêtre
Pour voir la mer couler. (lus)
Elle aperçoit un' barque,
Tra la... etc.
Elle aperçoit un' barque,
Trent' matelots dedans. (bis)
A no*'» "
28
Le plus jeune des trente,
Tra la... etc.
Le plus jeune des trente
Chantait une chanson. (bis)
Pourquoi pleur's-tu la belle,
Tra la... etc.
Pourquoi pleur's-tu la belle,
Qu'as-tu donc a pleurer ? ( bis)
La chanson que tu chantes.
Tra la... etc.
La chanson que tu chantes,
J' voudrais ben la savoir.. (bis)
C'est-y ton père ou ta mère,
Tra la... etc.
C'est-y ton père ou ta mère,
Ou ton frère ou ben moue ? {bis)
Montez dedans nout' barque,
Tra la... etc.
Montez dedans nout' barque
Je vous l'apprendrons, (bis)
C'est ni mon pèr' ni ma mère,
Tra la... etc.
C'est ni mon pèr' ni ma mère,
C'est ni mon frèr' ni toué.
Ils fir'nt cent lieues en mer,
Tra la... etc.
Ils fir'nt cent lieues en mer,
Sans boir' ni sans chanter, (bis)
Je pleur' mon cœur volage,
Tra la... etc.
Je pleur' mon cœur volage
Que vous m'avez ôté. (bis)
Mais au bout du centième
Tra la... etc.
Mais au bout du centième,
AU' s'est mise à pleurer. (bis)
Pleurez pas tant la belle,
Tra la... etc.
Pleurez pas tant la belle,
On vous le rem/rcra. (bis)
14.
C'est pas un' chose à rendre,
Tra la... etc.
C'est pas un' chose à rendre
Comm' de l'argent prêté ! (bis)
29
VOILA SIX MOIS
QUE C'ETAIT LE PRINTEMPS
Notée par Charles Denis
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Harmonisée par
André Coedès-Mongin
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2.
Ignorant tout jusqu'au point de l'amour
Rien ne m'troublait que l'entre d'ma chaumière
J'allais au bois, j'y restais la dernière
En m'amusant je filais tout le jour
J'y craignais rin que le loup et ma mère.
Par un biau jour Colin vint à passer :
— « Que fais-tu là seulette, ma bergère ? »
— « Je seus ici dans un lieu solitaire,
Sortez-moi donc de ce maudit chemin ! »
— « Donn' moi la main comme si j'étions frère ».
Au lieu du bras il me tendit la main
En me disant les amours les plus tendres.
Ah ! de l'aimer j'aurais dû m'en défendre
J'aurais voulu rallonger le chemin,
Tant que j'avais du plaisir à l'entendre.
— « Adieu la bell', je te quitte en ce lieu
Pour m'en aller voir une autre bergère.
Elle est là-bas dans ce lieu solitaire,
Toujours disant : viendra-t-il mon amant ?
Je n'ai donc plus que mon chien de fidèle ! »
6.
— « Adieu ingrat, tu me quitt' en ce lieu
Pour t'en aller voir une autre bergère !
Je suis t'y pas aussi fraich' que la rose ?
Tous tes amours sont gravés dans mon cœur
Faut-il encor' te répéter ces choses ?... »
31
LA BELLE ANGELIQUE
N it( è et harmonisée par
Léon Branchet
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— Si ton départ est d'main,
J'ons une grande envie,
C'est d' partir avec toué
Au service du Roué
Et de m'y engager
Au rang des guernadiers !
bis
Mais au bout des sept ans,
Via la guerr' que s'allume,
Et dedans un combat,
Ail' fut blessée au bras ;
AU' fut forcée d'avouer :
« Je n'suis point-z'un guerrier ! »
bis
— Si t'veux t'y engager
Quitt' tes habits de fille,
Prends les ceuss d'un garçon,
Demain nous partirons
Et je t'y frai marquer
Au rang des guernadiers !
bis
— Si tu n'es point guerrier, )
Fais nous le donc counnaitre '
Montre nous tes blancs seins,
Tes brillantes couleurs...
Nous ne somm's point méd'cins,
Mais nous le voirons ben !
bis
La belle fut sept ans
Sans qu'on la recounnaisse ;
Ben des gens l'argardint,
Parsounn' la r'counnaissint ;
Yavait ren qu'soun amant
Qu'la bijait ben souvent.
bis
bis
La belle et aussitôt )
Défit ses épinglettes :
— T'nez, les v'ia, mes blancs seins
Mes brillantes couleurs !
Vous voyez ben, messieurs,
Que j'seus pas un menteux !
Le commandant lui dit :
— Monte là-haut dans ma chambre
Tiens, v'ia cinq mille francs,
Pour toué z'et toun amant,
Allons, les amoureux",
Mariez- vous, tous les deux !
33
LA PROMISE
Recueillie par M**1!'' PontV
Avec mouv1
Notée et harmonisée par
Francisque Parcieux
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34
en diminuant jusqu'à In fin
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bis
Au bout de sept ans tout au plus,
Mon galant est revenu.
Il frappa trois coups à la port' de cheux nous
« Ma mie, y êtes- vous ? »
Mon père y dit à l'instant :
« Ma fille aile est aux champs,
Seriez-vous son calant ? »
Sans attendre un plus long discours, ( , .
S'en va trouver ses amours...
Là-bas, sous l'ormeau, ail' filait son fusiau,
Et gardait son troupiau :
« Bonjour, l'amie de mon cœur,
Reçois tout's mes faveurs,
Je suis ton serviteur ! »
« Artirez-vous, monsieur, je vous prie, i
Vous n'êtes pas mon ami ! »
« Ma belle en partant, j'étais qu'un paysan,
Mais va ben du sang'ment !
Maint'nant me via revenu
Tout armé, équipé,
Comme un vrai guernardier !
bis
35
LE RETOUR DU CONSCRIT
Recueillie et uotée par
Mel> Ponty
Andanto
Harmonisée par
MeLle Aimée de Mourgues
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5-
Le plus jeune des trois
Y r'grettait ben la sienne.
Y r'grettait ben la sienne,
Il avait ben raison ;
C'était la plus gent' fille
Qu'était dans le canton.
Son père y lui répond
D'un air tout en tristesse ;
« Françoise, ta Françoise,
François' n'est plus ici !
Son corps il est en terre,
Son âme au Paradis ! »
Le jeun' garçon s'en va
Trouver son capitaine :
« Bonjour, mon capitaine,
Je viens qu'ri mon congé
Pour aller voir Françoise,
Qu'aile est en train d' crier ! »
Le jeun' garçon s'en va
Tout dret dessus sa tombe :
« Françoise, ma Françoise,
Françoise, réponds-moi !
Avant que je m'en aille
Au service du Roi ! »
Le jeun' garçon s'en va
Tout dret de chez son père :
« Bonjour, chers père et mère,
Frères, sœurs, chers parents !
Je viens voir ma Françoise
Que mon cœur aime tant ! »
Le jeun' garçon s'en va
Trouver son capitaine :
« Bonjour, mon capitaine,
Me voilà de retour.
Puisque Françoise est morte,
Je servirai toujours ! »
8.
« Oh ! mon jeune garçon,
T'en trouveras ben d'autres,
T'en trouveras ben d'autres
De toutes les façons,
Des noir's et pis des blondes
Sur le pont du canton ! »
37
OHÉJOHO!
Recueilli.' par M. Duranton
Mouvî de bourrée
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Notée et harmonisée par
L. Branchet
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Kiui'puis six mois. cheux nous tout est nou - viau! 0 bel 0
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C qui m'plasait l'pus dans l'état militaire,
C'atait l'Emp'reur anvec ses génériaux
Qu'avint des habits qu'arluisint, mon père,
Qu'les grous seigneurs en ont pas des pus biaux !
Au Refrain.
—Tes bœufs, mon gars, sont pus dans nout'étable!
J'ies ons vendus à nun marchand manciau.
Quand j'avons su qu'y z'allint à l'harbage,
J'ons t'y pleuré ceux pour' p'tits annimiaux !
Au Refrain.
J'arcounnais pus nout' fumier, ni nouf grange !
V'avez donc fait arracher l'grous ormiau ?
C'est atounnant en six mois coumm' tout sange,
A nout' grand puits qu'on peut y tirer d'I'iau !
An Refrain.
— V'avez vendu ceux p'tit's bêt's si mignounnes
Qu'a bougint pas pu que l'meure et l'ariot !
Qu'avint dTesprit ben pir' que des parsounn's...
J'ons t'y chagrin d'mon Rondin, d'mon Beugnot!
Au Refrain.
J'vois pas ma soeur, là qu'aile est don fourrée ?
A dounn' queupart à manger aux pourciaux !
Anvec soun houmm' s'a-t-ell' ben rencontrée !
J'cours à mes bœufs et j'cours à mes p'tits viaux !
Au Refrain.
— J'vois pas ma mèr', qui qu aile est parti' faire ?
A-t-ell' toujou son grand mal d'estoumac ?
A-t-ell' toujou son grand mal d ordinaire ?
Quand ça v'nait d'I'iau, ça sarvait d'armanach !
Au refrain.
— Ah ! mon pour' gars, pari' moue point d'ta pour mère.
Ça s'ra ben yell' qui nous ruin'ra tertous !
Tous les six mois, j'vas cheux l'apothicaire...
Y m'en emmanche à chaqu' fois pour trenf sous !
Au Refrain.
39
LE GAS BRÛLANT
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Notée et harmonisée par
Francisque Darcieux
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tous les"ajfuttaux" dont une paysan ne coquette se paie habituellement
LA CHANSON DU GRENADIER
Notée et harmonisée par
André Cœdès-Mongin
Mouv! do marche joyeux
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La bell' si tu voyais,
Notre ordonnanc' de guerre !
La bell' si tu voyais,
Le drapeau des Français.
C'est le commandant
Qui marche à la tête,
C'est les grenadiers
Qui marchent les premiers.
Au Refrain.
Voilà minuit sonné
Battez la générale,
Voilà minuit sonné
C'est pour nous éveiller.
Allons donc soldats,
Encore une alerte !
Et c'est l'ennemi
Qui marche jour et nuit.
Au Refrain.
Beau maréchal de camp
Fait's avancer vos troupes,
Beau maréchal de camp
Fait's les mettr' sur trois rangs,
Voyez comme ils sont fiers,
Voyez quelle assurance
Ils s'en vont cueillir
Des lauriers pour la France !
Au Refrain.
Cher émant si tu t'en vas,
Cher émant que mon cœur aime,
Cher émant si tu t'en vas
Mourir dans les combats,
Je ferai dir' des messes,
Des mess's et des prières
Pour te préserver
Cher émant, du danger.
Au refrain.
4."
MARCHE DES GAS DE LA CHATRE
Recueillie par M. Montu
Notée par Ch. Denis
Harmonisée par
André Coedès-Mongin
Allegro avec entrain
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Y m'avont bien mis en route
Etant fatigue,
N'ayant point d'souliers aux pieds ;
Y m'avont bien fait coucher
Sur la plume de cinq pieds,
Oh ! pour moi quell' cruauté
De m'y voir si mal couche.
Oh ! va ! Oh ! va ! si j'attrap' mon congé,
Non, non, jamais j'y retourne a l'armée ! Au refrain
J'ai fait bouillir la marmite
Dans un trou de terre,
Avec du bois sec et vert,
l'ai bien mange du jambon.
Du pain noir d'amounition,
l'ai bien couché su l'Iit d'camp
Avec tous ces bons enfants !
Les tUl>. les femm's a nous ont bien aimé
Car y en avait qui suivaient not' armée ! Au 'rfrcm
J'ai bien fait la sentinelle
Face à l'ennemi,
. Baïonnette à mon fusil.
Oh ! J'ai bien roulé mon corps
A travers tous ces corps morts,
Mon sac en est tout perce
Par les bombes et lc> boulets,
Et mon habit est tout rempli de trous.
Mais Dieu, merci! Je m'en retourn' chez nous! Au refrain
45
LE JEUNE VOLONTAIRE
Mouvt de Marche
Notée et harmonisée par
Francisque Darcieux
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Son papa y lui répète :
« Vous êt's encor' trop jeunette,
Et attendez encore un an,
Et vous finirez vos quinze ans.
Je vous marierons peut-être,
Ronflant... etc. »
L'capitaine y la regarde :
« Vous m'avez l'air, camarade.
Oh ! mais dedans nout' régiment,
Xous n'avons que des bons enfants !
J aimons pas ceux barbes fines,
Ronflant... etc. »
La bell' n'attend pas tout cela
Va trouver son capitaine :
« Oh ! bien l'bonjour, mon capitain'
Je viens ici pour m'engager,
Avec un jeun' volontaire,
Ronflant... etc. »
« Quoique j'ay' la barbe fine,
R'gardez, j'ai encor' bonn' mine.
Oh ! qu'non me mett' lesarm'sen main
Et qu'non m'envoye aux Autrichiens...
J'y ferai ben la conduite,
Ronflant... etc. »
47
LA DEMANDE EN MARIAGE
Recueillie et notée par
L. Farge
Harmonisée par
André Coedès-Mongm
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A vous, bonjou, maît' Pierrette,
Comment y vont tous cheux vous ?
Pé Colas, la mé Nannette
Et les aut' tertou itou.
Tapez-vous su c'te bancelle,
Fait' assiésé vout' grand gars ;
Qu'i nous baille des nouvelles
D'tout vout' mond' de par là-bas !
Fait' esscuse à moun hardiesse,
Moi j'eum' pas les embarras ;
Vlez ti dominer vout' drôlesse
En mariage à nout' grand gars ?
Al' y baill' dans la voyure,
A l'eumer si ben, si biau,
Ou'all y voit sa portraiture
Dans les yeux à nout' tauriau.
Nout' fille a tir' ben les vaches,
A sait ben fai' bouer' les viaux,
Ariez l'soir a les attache
Pour fair' manger nos igniaux.
C'est ben z'ell' qui fait la soupe
Aux char'riers et aux batteux,
Ariez elle qui la coupe
Enter' tous nos moissonneux.
Pour la Margot, magrandine,
C'est pas pour vous la bouzer
La drôlesse al' est ben fine
Pour coud', ariez pour filer,
La gaillarde al' est pas ûète
Pour rabiller un sarriau,
Mett' des boutons à des guêt'es,
Ariez, y mette un vanniot.
Nout' richesse al' est pas forte,
Comm' vous j'somm' des p'tits fermiers !
Mais nout' gars y vous apporte
Deux bons bras pour travailler.
D'yeu marier, y sont en âge,
Tous deux, j'cré, y s'eumont ben !
Faut donc que le mariage
Y s' fasse le mois prochain.
Ariez, pour que rin s'démanche,
Dré c'soir allons cheux l'Curé...
Les bans publierons dimanche,
Ça s'ra pus vit' terminé...
C'est y vout' avis, maîtresse ?...
Et ben quoi ? vlà qu'vous pleurez !
Bah ! fait' vous pas de tristesse,
Savez ben qu' faut s'séparer !...
Quoiqu' ça nous fass' ben d'ia peine
D'voir parti' nout' fill' d'cheux nous,
J'nous consolons, moun Etienne,
D'savoir qu'ai' renter' cheux vous !...
Bon d'ià d'gars, j'te dounn' ma fille,
Top'là... bon... ça y'est, mon vieux.
Vous fiez eun' gente famille,
Soyez bénis du Bon Ghieu.
49
LES PLEUMES DE BOEUF
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N'itec ut harmonisée par
André Coedès-Mongin
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Ail' port' des coiff' s de dentelles
Pour gourgandiner au bal.
Un' gent' fill' qui va si belle,
Un beau jour, ça tourne mal.
Les gars qui dansent, la plaisantent
Et la bij'nt su l'bout du musiau.
An Refrain.
Un beau mossieur de la ville
Habillé en fignoleux
S'en vint visiter c'te fille
Comme en manier' d'amoureux.
Y t'ia vire, y t'ia tourmente,
Y fia retourn' comme un sanciau...
Au Refrain.
Buvons donc, mon ami Gilles,
C'est le cadet d'nout' souci
Pourquoi se fair' de la bile
Et s'bournager l'cœur ainsi !
A table mon âme est contente
Et quand ej bois du vin nouviau...
Au Refrain.
y me fich' pas mal qu'aile m'en plante
Cinq à six pint's sous mon chapiau !
51
LA SERVANTE QUI VEUT SE FAIRE
AUSSI BELLE QUE SA DAME
Notée et harmonisée par
Francisque Darcieux
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52
EU' s'en va chez l'apothicaire : )
— « Monsieur, vendez-vous du fard ? )
Et combien l' vendez-vous donc ?
— « Je l'vends, je l'vends deux écus l'once ».
— « Donnez m'en un' demi-once
Pour un écu ! »
— « Quand ce sera pour vous farder,
Prenez garde à n'pas vous mirer.
Eteignez votre chandelle,
Barbou, barbou, barbouillez-vous,
Le lend'main vous serez belle
Comme le jour ! »
Mais ce n'fut pas le matin-jour,
La belle prit ses beaux atours,
Elle prit sa jupe verte,
Son blanc, son blanc, son blanc corset,
S'en va faire un tour de ville
Sans se mirer.
Au bout d'ia ville, ell' rencontra
Son galant qui lui dit comm' ça :
— « Où vas-tu, franche coquette,
Si bar, si bar, si barbouillée ?
Tu ressembl's au ramoneur
De cheminée ! »
6.
EU' s'en va chez l'apothicaire :
— « Monsieur, que m'avez-vous vendu ? »
— « J'vous ai vendu du cirage
Pour ci, pour cirer vos souliers,
Car ça n'appartient qu'aux dames
De se farder ! »
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53
LE CORNEMUSEUX D'MARMIGNOL
Notée par
Wt° Hugues Lapaire
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Ouia ouin. ouinouinouin, Y m'a laissé en tes-tnmeiri Samusett'pourbout'ferd'daaslan
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J'ons un' nouvell' piau d'mouton
Pour orner nout' cornemuse
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin,
Yaura pus qu'les deux bâtons
Qu'sont en bois d'cormier ben use
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin,
Malgré ça j'ia changeais pas
Pour cell'-la du pèr' Lucas,
Landou, landou, landou.
Au Refrain.
3-
Ej'seus composeux d'chansons,
J'ons la mémoir' ben heureuse,
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin,
J'en faisons sur les buissons
Et sur les roses mousseuses,
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin,
Sur les charmes de jeanneton
Et la vertu de Margoton,
Landou, landou, landou.
Au Refrain.
J'ons un' femm' depuis queuqu' mois
Que m'suit partout dans la fête,
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin !
La jalous'té vient queuqu' fois
Y troubler les sangs d'ia tête,
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin !
Aile a ben tort de s'déranger,
Les fumell's v'iont pas m'manger,
Landou, landou, landou.
Au Refrain.
5-
Si l'Bon Dieu m'dounne un garçon
A la saison des asparges
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin,
Tout's les filles du canton
Pourront fair' brûler un ciarge,
Ouin, ouin, ouin, ouin, ouin !
Ça s'ra un gars ben heureux
Car y s'ra cornemuseux,
Landou, landou, landou.
Au Refrain.
55
LA TREUE GARELLE
Notée et harmonisée par
Francisque Darcieux
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J'étais encor' ben jeunette,
J'oublissi mon déjeuner. (bis)
You ma tron tron... etc.
Yavait plus qu'la treu' garelle
Oui n'voulussit point danser (bis)
You ma tron tron... etc.
Ce fut l'valet d'chez mon père
Qui fussit me le chercher. (bis)
You ma tron tron... etc.
L' verrat la prit par l'oreille
Ma foi ! Tu viendras danser (bis)
You ma tron tron... etc.
En r' venant prit sa musette
Et s'mit à cornemuser. (bis)
You ma tron tron... etc.
lu comment veux-tu que j'danse
Je seus prête à couchouner (bis)
You ma tron tron... etc.
9-
Les cochons de queuille en queuille
Y se sont mis à danser. (bis)
You ma tron tron... etc.
Quand ail' fut dedans la danse,
AU' sauta qu'tout en ronflait ;
AU' sauta jusqu'au plancher.
You ma tron tron... etc.
HUGUES LAPAIRE
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57
VIVE LE VIN
Recueillie par M. Henri Lamarre
M ^Allegro
Ni ite'e et harmonisée par
M* L1'' Aimée de Mourgues
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a Tempo
Ah ! si ma mie aile est pas gente,
Aile a un air qui me convint.
Aile a un air de dir', de dire...
Donnez du vin que je m'enivre !
Vive le vin !
Vive le vin ! Vive l'amour
Et voilà le jour !
bis
Oh ! Je la pris par sa main blanche
Pour la conduir' dans mon jardin,
Pour y cueillir de la salade,
Des (h)artichaux à la poivrade...
Vive le vin !
Vive le vin ! Vive l'amour
Et voilà le jour !
bis
Ah ! Si l'amour prenait racine,
Dans mon jardin, j'en planterais,
J'en planterais si long, si large,
J'en frais part à mes camarades,
Vive le vin !
Vive le vin ! Vive l'amour
Et voilà le jour !
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NOËL
Nottît; et harmonisée par
André Cœdès-Mongin
Galment
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BouJonsnos habits les plus biaux Que j'uns quand il e»t fè.te;
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2.
— Jarnigué ! L'air est ben cuisant
Pour s'ajancer si brave.
Pour moi, je demeure au dedans
Ou descends à la cave.
Quand on veut m'emm'ner de c'temps
On me fiche une entrave.
— Tu fais le délicat et blond,
Du temps tu crains l'injure,
La nuit, déjà couché le long
De c'te vieille masure,
Saoul comme noute couchon,
Craignais-tu la frédure ?
— Aga Nannette, t'a raison,
Tu parles coumme un prête,
Monsieur l'curé dans son sermon
N'en dit point tant peut -été :
lu li ferais sa leçon,
Tu serais ben son maîte !
5-
— Y veut surtout, quoiqu'il en soit,
Que l'on fasse l'offrande.
Puisque cela si fort lui plaît,
Faisons ça qu'il commande.
Pour moi, j'offre sans regret,
Ce que j'ai de ferlande.
6.
Madame Louise prend chemin
Avec nout' assemblée,
Apportant saucisse et boudin
Et vin blanc de l'année...
Et puis j'iions sans chagrin
Honorer l'accouchée.
bis
bis
bis
bis
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Lapai re, Hugues
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Lap.aire, Hugues
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